S’il n’a pas pu inaugurer en novembre son exposition « Portraits, paysages et scènes de genre du XVIIe au XXe siècle » en raison du confinement, le marchand Alexis Bordes reçoit désormais des visiteurs dans sa galerie et se démène pour développer son activité. Il nous explique comment et nous présente six œuvres intéressantes de l’exposition, qui couvre trois siècles d’histoire de l’art.
Alexis Bordes a finalement fait une bonne année 2020, meilleure que 2019. Après le coup de frein du premier confinement, les affaires de ce marchand installé en étage rue de la Paix, à Paris, ont bien repris au printemps et à l’automne. « On y arrive, mais il faut vraiment trouver des idées ! », déclare-t-il. « Nous avons été très actifs sur notre site et via nos newsletters. Je peux désormais recevoir des visiteurs et organiser des déjeuners en très petit comité à la galerie. Je multiplie également les présentations d’œuvres chez les clients. Les collectionneurs apprécient beaucoup, car ils sont frustrés de ne pouvoir se déplacer librement ni aller dans les foires. Nous continuons à vendre aux musées, qui ont toujours des budgets d’acquisition. Et nous allons participer fin janvier à la Brafa nouvelle formule, baptisée « Brafa in the Galleries ». Le grand salon belge ne pouvant se dérouler de manière traditionnelle, chaque marchand exposera les œuvres dans sa galerie, que ce soit à Bruxelles, à Paris ou ailleurs. Nous présenterons chacun une vingtaine de pièces sur la plateforme numérique de la foire et pourrons même ajouter une vidéo. Pour ma part, je prépare une vidéo sur la restauration d’un tableau. Je pense que c’est intéressant de montrer les diverses facettes du métier de marchand. »
Vivement le Brexit ?
Incertitudes liées à la Covid mises à part, Alexis Bordes est plutôt optimiste sur l’avenir du marché de l’art français. « Le Brexit sera une chance pour Paris, explique-t-il. Cette fin du libre-échange avec l’Angleterre va entraîner un rétrécissement du marché anglais et, indirectement, renforcer la place parisienne. N’oublions pas qu’il y 850 galeries à Paris, et qu’elles constituent un vrai tissu économique avec tous les corps de métier associés que sont les restaurateurs, les encadreurs, les transporteurs, etc. »
Mais son actualité du moment reste l’exposition « Portraits, paysages et scènes de genre du XVIIe au XXe siècle », qui dure jusqu’au 31 janvier. Lorsque nous l’avons visitée, quatre œuvres étaient déjà vendues, dont une belle tête de jeune garçon de Jean-Baptiste Greuze et le portrait très sérieux du citoyen Jean-Baptiste-François de Bourgeon, par Anne-Louis Girodet de Roussy-Trioson et son atelier. Et voici notre sélection, assortie de commentaires du galeriste.
Une famille so british…
Plutôt chauvins, les collectionneurs français s’intéressent rarement à la peinture anglaise. Mais ce portrait de famille d’Archer James Oliver (1774-1842) a des atouts. « L’image plaît beaucoup, constate Alexis Bordes, et j’apprécie l’approche psychologique du peintre, qui a donné du caractère à chaque membre de la famille. C’est une vraie conversation piece, un de ces portraits de groupe dans lesquels les commanditaires voulaient être représentés tels qu’ils étaient, sans ostentation. Par ailleurs, le fond de paysage est traité à la Gainsborough, avec une belle matière onctueuse. » Le tableau a été présenté en 1800 à l’exposition de la Royal Academy, pendant britannique du Salon parisien, et fut salué par la critique. « Il y a généralement un aspect de vérité dans les portraits de Mr Oliver qui les rend particulièrement ressemblants », notait un visiteur. Composée autour du père, la toile met en avant le fils aîné, héritier du nom et de la fortune familiale.
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Chloé sortant du bain ?
« Cette toile est atypique dans le corpus de Pierre Antoine Mongin, qui comporte surtout des gouaches ou aquarelles de paysages animés de petits personnages, réalisés d’après nature », souligne Alexis Bordes. L’artiste a également pratiqué la lithographie et donné à la manufacture Zuber de grands dessins panoramiques pour la fabrication de papiers peints. Cette huile a été présentée au Salon de 1819.
Entre idéal néoclassique et romantisme, elle était titrée La Rêverie (Idylle), et était accompagnée d’un texte, peut-être demandé par le jury, précisant : « Chloé, sortant du bain, est venue se reposer au pied d’un platane ; charmée de la solitude et de la fraîcheur du lieu, elle n’a pas songé à reprendre ses vêtemens [sic] ; elle est tombée dans une profonde rêverie : toutes ses pensées, tous ses souvenirs sont pour Myrtil ». Mais il n’est pas certain que Mongin ait vraiment voulu illustrer la pastorale Myrtil et Chloé de Jean Pierre Claris de Florian, à la mode à cette époque. Cette nature luxuriante et ce corps idéalisé se suffisent à eux-mêmes.
Sous le soleil exactement
Le nom de Louis Abel-Truchet (1857-1918) est moins connu que celui de ses aînés Camille Pissarro et Claude Monet, ou de ses successeurs Henri Manguin ou Louis Valtat, mais il s’inscrit dans la même mouvance picturale. « Peintre du Paris de la Belle Époque, il excellait dans les scènes de genre croquées sur les Grands Boulevards, dans les fêtes foraines ou dans les bals », rappelle le marchand. Dans ce tableau plus intimiste, où l’artiste saisit le calme d’un séjour à la campagne, la touche divisionniste rend parfaitement les vibrations de la lumière d’été et les taches du soleil sur le sol.
Une paire d’Hubert Robert
« C’est la première fois que j’ai des Hubert Robert en paire, remarque Alexis Bordes. Les tableaux viennent d’une collection privée, ils sont connus depuis longtemps et l’authenticité a été confirmée par la spécialiste faisant autorité sur l’oeuvre du peintre, Sarah Catala. » De plus, le sujet est vraiment plaisant. L’un montre la galerie haute du Colisée, l’autre sa galerie basse, avec des petits personnages entrant ou sortant de trous béants, sans doute dus aux éboulements plutôt qu’à des fouilles archéologiques. Avec leurs architectures antiques et la végétation prête à envahir les lieux, ces deux tableaux de « Robert des ruines » illustrent à la perfection la « poétique des ruines » évoquée par Diderot. Par leur proximité avec Les découvreurs d’antiques du musée de Valence, on peut les dater de la fin du séjour italien de l’artiste, qui rentra à Paris en 1765.
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Dans l’atelier de François Boucher
« Cette scène a sans doute été réalisée par Jacques Nicolas Julliard, l’un des élèves les plus assidus de l’atelier de François Boucher, d’après une œuvre disparue du maître », explique le marchand. Le Metropolitan Museum et le Victoria & Albert Museum possèdent des exemplaires de la tapisserie La Bohémienne, qui faisait partie de la Tenture des fêtes de village à l’italienne de la manufacture de Beauvais, l’une des œuvres les plus grandioses du XVIIIe siècle français. On y retrouve la même composition mais comme il se doit, inversée, avec le temple à gauche et la diseuse de bonne aventure à droite. On connaît également un grand carton de la main de Boucher, datable de 1735, mais auquel il manque le temple. On pense donc que Julliard est parti du carton définitif de Boucher, aujourd’hui disparu.
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