L’exposition « Picasso. Tableaux magiques » au Musée national Picasso-Paris se penche sur une période précise de la carrière de l’artiste, lorsqu’entre l’été 1926 et le printemps 1930, il expérimente diverses formes plastiques et entame un nouveau chapitre de sa création à travers des peintures aux motifs étranges.

« Picasso. Tableaux magiques » : un intense cycle picassien

Le titre de l’exposition reprend l’expression du critique d’art Christian Zervos qui, dès 1938, qualifie de « tableaux magiques » le vaste ensemble de peintures que Pablo Picasso réalise de l’été 1926 à la fin du premier trimestre de l’année 1930. Ce cycle d’œuvres comporte environ cent cinquante peintures aux caractéristiques plastiques et thématiques communes : extrêmement formalisées et reposant sur un système de signes, elles montrent des figures, d’abord composées de plans et de lignes, puis au contraire de surprenants volumes, qui semblent se transformer en permanence et représentent surtout des têtes et des corps, parfois dans le décor de l’atelier.

Les formes nouvelles, inventivité créative et la radicalité dont témoigne l’ensemble dit des « tableaux magiques » de Pablo Picasso, qui annonce la puissance du tableau Guernica, ont d’emblée généré des analyses passionnées, qui perdurent aujourd’hui. Première exposition exclusivement dédiée à cette période picassienne, « Picasso. Tableaux magiques » rassemble exceptionnellement une grande partie de ces œuvres singulières aujourd’hui dispersées à travers le monde et les replace dans le contexte du surréalisme et des courants intellectuels et psychanalytiques de l’époque.

Les « tableaux magiques » de Pablo Picasso annoncent Guernica

Le caractère magique de ce cycle d’œuvres de Pablo Picasso peut se lire dans le mode opératoire du peintre qui tracent en série leurs lignes sinueuses formant des doubles profils, des éléments anatomiques modifiés ou déplacés, selon un rythme soutenu et répétitif qui évoque les formules magiques et les pratiques incantatoires. Le principe de la métamorphose traverse l’ensemble de ces tableaux comme en témoignent des compositions dans lesquelles Pablo Picasso transforme des dessins de baigneuses en ce qui ressemble à un projet de figures sculpturales aux gestes et parties corporelles exagérés. Alors que Pablo Picasso s’intéresse à la sculpture à partir de l’automne 1928, ses peintures et dessins en subissent l’influence et évoluent vers la monumentalité.

Autre élément en filigrane de cet ensemble : l’atelier de l’artiste, lieu primordial où la naissance de l’œuvre repose sur la collaboration entre l’artiste et son modèle. Ainsi plusieurs expérimentations pour représenter des têtes et des figures donnent lieu à des compositions d’atelier. L’exposition s’intéresse dans sa partie intitulée « Ecrits magiques » à la réception des « Tableaux magiques » de Pablo Picasso par les cercles intellectuels, du critique d’art allemand Carl Einstein qui y voit un « réalisme mythique » au surréaliste André Breton, qui y voit l’œuvre d’un de ses pères spirituels.