https://www.connaissancedesarts.com/wp-content/thumbnails/uploads/2023/07/cda23_actu_debrecy_raphael_tondo_propmain1-tt-width-680-height-382-fill-1-crop-0-bgcolor-ffffff.jpg 768w, Le Tondo de Brécy a été, durant plus de 40 ans, le sujet de nombreux débats et recherches. En effet, en dépit de sa ressemblance frappante avec la Madone Sixtine de Raphaël (1483-1520), son attribution n’avait jamais pu être définitivement déterminée. En février dernier, les résultats des analyses scientifiques menées par des chercheurs de l’université de Nottingham et de l’université de Bradford auraient permis de confirmer que la peinture, réputée jusque-là être une copie du XIXe siècle, serait bien l’œuvre du maître de la Renaissance. Le tableau est exposé pour la première fois à la galerie d’art Cartwright Hall de l’université de Bradford depuis le 25 juillet et pour une durée de deux mois.
Une comparaison faciale à l’échelle du pixel
Des analyses récentes utilisant la technologie de reconnaissance faciale par intelligence artificielle (IA), ont révélé des similitudes significatives entre les visages présents sur la Madone Sixtine, une œuvre exécutée par Raphaël vers 1513-1514 et conservée à la Gemäldegalerie Alte Meister à Dresde, et Tondo de Brécy, acheté en 1981 par le collectionneur d’art britannique George Lester Winward. Selon les chercheurs, la comparaison faciale directe des visages de la Vierge donne une correspondance de 97 %, le taux de similarité descendant à 86 % pour ce qui concerne le visage du Christ. Habituellement, une correspondance de 75 % suffit à considérer que les éléments étudiés sont identiques.
Le Tondo de Brécy sera exposé pour la première fois à la galerie d’art Cartwright Hall de l’université de Bradford à partir du 25 juillet, ©Photo : Université de Nottingham
Ce système de reconnaissance faciale, fondé sur un modèle d’intelligence artificielle capable de reconnaître les tableaux des maîtres de l’histoire de l’art, est développé depuis plus de vingt ans par Hassan Ugail, professeur et directeur du centre d’informatique visuelle de l’université de Bradford. Son algorithme a été formé, par assimilation de millions d’images et de vidéos, à reconnaître et comparer les traits du visage. Comme l’explique le professeur Ugail : « en observant les visages avec un œil humain, on constate une similitude évidente, mais l’ordinateur peut voir beaucoup plus profondément que nous, dans des milliers de dimensions, au niveau du pixel ».
Des pigments datables de la Renaissance
Lorsqu’il avait fait l’acquisition du tableau à l’occasion d’une vente aux enchères en Angleterre en 1981, George Lester Winward pressentait qu’il s’agissait d’un chef-d’œuvre perdu de Raphaël. Mais depuis 40 ans, les experts le considéraient davantage comme une copie de la Madone Sixtine, probablement réalisée à l’époque victorienne. Une analyse moléculaire des pigments du Tondo, menée par Howell Edwards, professeur émérite de spectroscopie moléculaire à l’Université de Bradford, a permis de démontrer que ces derniers dataient bien des XVIe ou XVIIe siècle. Sur la base des résultats de ces différentes analyses scientifiques, l’équipe de chercheurs a donc conclu que les deux tableaux auraient donc bien été exécutés par le même artiste, peut-être à partir d’un modèle commun.
Raphaël, La Madone Sixtine, 1512-1513, huile sur toile, 269 x 201 cm, Gemäldegalerie Alte Meister à Dresde ©Wikimedia Commons
L’IA au service de l’histoire de l’Art ?
En 1995, George Lester Winward avait créé le Brécy Trust, afin de préserver sa collection d’art, allant du XVIe au XIXe siècle, et de la mettre à disposition des chercheurs. Pour Timothy Benoy, secrétaire honoraire du Brécy Trust, « il est tout à fait normal que la première exposition publique du Tondo ait lieu à Bradford, où les technologies de pointe de l’université ont permis déterminer son attribution ». « Nous estimons que le travail effectué sur le Tondo illustre l’importance croissante des preuves scientifiques dans l’attribution d’une peinture », ajoute-t-il. Le professeur Hassan Ugail affirme quant à lui que ses modèles d’intelligence artificielle observent les images « bien plus profondément que l’œil humain, comparant des détails tels que les coups de pinceaux et les pigments. ». Selon lui, cette technologie « pourrait être utilisée en complément des expertises menées par les spécialistes et mener ainsi à un processus d’authentification plus simple et d’une plus grande transparence ».
Lister Park, Cartwright Hall, Bradford ©Wikimedia Commons / Tim Green from Bradford
En décembre 2022, la start-up zurichoise Art Recognition, spécialisée dans l’utilisation de l’intelligence artificielle appliquée à l’art, avait ainsi authentifié un tableau de Pierre-Auguste Renoir (1841-1919), Portrait de femme (Gabrielle), grâce à un algorithme capable d’étudier le style, la forme des coups de pinceaux et les combinaisons de couleurs complémentaires de 206 peintures authentifiées de l’artiste. Cette réattribution a été confirmée par les experts de Dauberville & Archives Bernheim-Jeune, qui publie un catalogue raisonné des œuvres attestées de Renoir. Si l’intelligence artificielle est devenue, de fait, un outil précieux pour l’expertise d’œuvre d’art, elle n’offre cependant qu’une lecture partielle, quantifiable, de l’objet à laquelle on l’applique. De plus, de nombreux experts soulignent que ses résultats peuvent être faussés par la mauvaise qualité d’une toile, son encrassement ou la présence éventuellement de repeints ou de restaurations ultérieures. Ces technologies doivent donc trouver leur place auprès des autres techniques d’analyses et de l’expertise humaine.
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