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Brunelleschi : l'aube de la Renaissance se lève sur la coupole du Duomo

La puissante Florence désespérait : faute de toiture, il pleuvait dans ce qui devait être le double symbole de sa grandeur et de sa splendeur, le Duomo. Brunelleschi n’offrit pas seulement une couverture à l’édifice. Il posa grâce à cette coupole les bases d’une nouvelle architecture.
Jean-Joël Brégeon, historien, spécialiste de la Renaissance.
Publié le 06/11/2021 à 11h29 I Mis à jour le 08/11/2021 à 10h22

Jean-Joël Brégeon, historien, spécialiste de la Renaissance.

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La cathédrale Santa Maria del Fiore, également appelée Duomo, domine toujours les toits de Florence. Brunelleschi a définitivement achevé sa construction au cours du XVe siècle, après 30 ans de travaux. • ISTOCK

Le 20 janvier 1817, Stendhal découvre Florence : « En descendant l’Apennin pour arriver à Florence, mon cœur battait avec force. Quel enfantillage ! Enfin, à un détour de la route, mon œil a plongé dans la plaine, et j’ai aperçu de loin, comme une masse sombre, Santa Maria del Fiore, et sa fameuse coupole, chef-d’œuvre de Brunelleschi. » Une émotion partagée par tous les voyageurs et qui, du temps de l’architecte, se muait en une immense fierté.

L’art au service de la politique

Mais, pour évoquer Filippo Brunelleschi (1377-1446), il faut tout d’abord suggérer le contexte italien. Depuis le tumulte des Ciompi, en 1378, la République de Florence jouit d’une relative paix civile. Mais le retour de la Peste noire, à cinq reprises, a réduit sa population de moitié, passant d’au moins 100 000 habitants à seulement 50 000. Malgré tout, son activité industrielle et commerciale continue à l’enrichir. La cité a étendu son emprise territoriale. Elle a repris Pise en 1406. Les artistes profitent de cet essor. Les compagnies, l’État multiplient les commandes.

Au début du XVe siècle, Florence est une cité riche, dont l’influence politique va croissant. Un essor qui va très vite se refléter dans les nombreuses commandes passées aux artistes.

Brunelleschi est du même âge que Lorenzo Ghiberti, et l’aîné de trois artistes novateurs, Fra Angelico, Donatello et Masaccio. Pour entrer dans le vif de son œuvre, nous disposons d’une source exceptionnelle : les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, de Giorgio Vasari. Ce dernier est l’initiateur de l’histoire de l’art, et son œuvre, parue en 1550, n’a cessé d’être rééditée et commentée. Peintre, architecte, d’une culture étendue, Vasari avait réuni une riche information. En mêlant anecdotes et réflexions, il nous livre un portrait très crédible de Brunelleschi.

Un architecte formé à Rome

De parents bien établis à Florence, Brunelleschi montre très jeune son intérêt pour les « arts mécaniques ». Inscrit à l’Art de la soie, une corporation qui comptait aussi les orfèvres, il se signale par de délicats mécanismes d’horlogerie. Puis il se tourne vers la sculpture. En 1401, à 24 ans, il concourt pour les nouveaux panneaux de bronze qui orneront l’une des portes du baptistère. Il arrive ex aequo avec Ghiberti, mais refuse de partager la commande et part à Rome pour étudier les antiques. « En arrivant à Rome », relate Vasari, « il fut frappé de stupeur en voyant la grandeur des édifices antiques et la perfection de leur construction […]. Comme Filippo était peu soucieux des besoins de la vie, tout entier à l’étude, il en oubliait le manger et le dormir. »

Rentré à Florence, Brunelleschi consacre du temps à tout ce qui pouvait assister le métier d’architecte. Il met au point des grues, des treuils à l’aide de vis sans fin, de multiples et complexes engrenages. En même temps, il s’initie aux mathématiques, en particulier à la géométrie, auprès du géographe Toscanelli. Il n’imagine pas de segmenter les savoirs, de les cloisonner ; il veut au contraire les associer à la réalisation de son travail. Une attitude commune à la Renaissance. Selon lui, l’architecte doit mêler l’intuition au calcul. Mais, à la différence d’un autre Florentin, Leon Battista Alberti, qui codifia cette démarche dans un corpus doctrinal (le De re ædificatoria, daté des années 1450), Brunelleschi s’en remettait à une forme d’empirisme.

Le défi de la coupole

Son grand œuvre fut l’achèvement du Duomo, l’immense cathédrale de Florence. Ouvert en 1294, le chantier n’en finissait pas, plusieurs fois interrompu par les malheurs du temps et par les obstacles techniques. Arnolfo di Cambio avait conçu un plan original : une basilique à trois nefs et à trois absides polygonales, lesquelles devaient s’inscrire comme un trèfle autour d’un chœur octogonal. Giotto s’était chargé du campanile, Francesco Talenti avait encore agrandi l’église. Restait la coupole qui, au vu du reste, devait être énorme : un défi.

À lire aussi : La Sainte Chapelle : et la lumière fut

Dès 1409, la présence de Brunelleschi sur le chantier est attestée. Mais le maître d’œuvre reste Lorenzo Ghiberti, qui possède mieux la sculpture que l’architecture. En 1417, il a remporté le concours organisé par la fabrique de Santa Maria del Fiore et par l’Art de la laine, qui finance l’opération. Consulté, Brunelleschi a mis en garde par ces mots que lui prête Vasari : « Seigneurs, il est hors de doute que les grandes choses rencontrent toujours de grandes difficultés dans leur exécution […]. Je ne sache pas que les anciens aient jamais exécuté une voûte d’une aussi terrible grandeur que celle-ci aura. J’ai souvent pensé aux moyens d’en armer la construction à l’intérieur et à l’extérieur […]. Je l’avoue, si elle m’était confiée, je me sentirais le courage nécessaire pour trouver les moyens d’en venir à bout […]. Mais je n’ai encore pensé à rien. »

Le Duomo est enfin achevé

En fait, Brunelleschi se réservait. Reparti à Rome pour étudier de nouveau l’ingénierie antique, il revint en 1420 pour, cette fois, concourir. Le chantier n’avait pas avancé. Afin d’édifier cette coupole ovoïde, il propose une double paroi, l’ensemble devant s’appuyer sur des chaînages intérieurs. Pas d’échafaudages, pas d’étais, mais tous les engins de levage à disposition. Le chantier prit 30 ans, sans soucis graves, mais ponctué de difficultés à résoudre sur le tas. À la mort de Brunelleschi, il ne restait plus qu’à monter l’énorme lanterne pour laquelle il avait laissé la marche à suivre.

Brunelleschi ne fut pas un simple imitateur de l’architecture antique, qu’il vénérait, mais il en usa pour en inventer une nouvelle, alliant force et savoirs.

Brunelleschi ne fut pas l’homme d’un seul monument. Il parvint à mener en même temps d’autres chantiers, tels le réaménagement de l’église des Médicis, San Lorenzo, les arcades de l’hôpital des Innocents, la basilique Santo Spirito in Oltrarno (qu’il ne put achever), et des chapelles. Cosme l’Ancien et Luca Pitti lui demandèrent des palais, qui cependant n’aboutirent pas dans leur forme initiale.

La renommée de Brunelleschi était telle qu’on le réclamait à Mantoue ou à Milan, pour des travaux de fortification et même d’endiguement du Pô. Car, comme plus tard Léonard de Vinci (et tant d’autres), il se disait ingénieur militaire et urbaniste. Comme l’a écrit Vasari : « Sa mort fut un deuil universel » ; il avait « mérité par ses rudes travaux un nom honorable sur cette terre et une place glorieuse dans le ciel. » En réalité, le rôle de Brunelleschi fut fondamental. Il ne fut pas l’imitateur de l’architecture antique, qu’il vénérait, mais il en usa pour en inventer une nouvelle, alliant force et savoirs. Toute sa démarche se retrouve chez Palladio à Venise, chez Bramante à Rome et, bien sûr, chez Michel-Ange.

Pour en savoir plus
 Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, G. Vasari, Actes Sud, 2005 (rééd.).
 Florence et la Toscane, J.-J. Brégeon, PUF, 2011.
 La Renaissance de l’architecture, de Brunelleschi à Palladio, B. Jestaz, Gallimard (Découvertes), 1995.
 L’Annonciation italienne, D. Arasse, Hazan, 2020.

La perspective crève la toile
La mise en œuvre de la perspective, à savoir la représentation d’espaces tridimensionnels sur une surface bidimensionnelle, n’est pas seulement une affaire de savoir ni de compétences. C’est aussi et surtout un fait de culture. Si l’on se borne à l’art paléochrétien puis byzantin, la perspective n’avait aucun rôle à jouer dans des compositions qui glorifiaient la figure du Dieu trinitaire au détriment des autres figures célestes, et plus encore des fidèles. En Italie, la transition vers une peinture prenant en compte l’espace est traditionnellement attribuée à Cimabue, actif de 1272 à 1302. Le passage de témoin aurait été le fait de Giotto (v. 1266-1337), son cadet d’une génération, présent dans son atelier. La maturation se fait avec Masaccio (1401-v. 1428), qui a parfaitement adhéré aux démonstrations fonctionnelles de Brunelleschi en matière de perspective appliquée à l’architecture. Et c’est encore un artiste florentin, Antonio Averlino dit le Filarète (1400-1469), qui théorise en comparant l’œil à « un aimant attirant, comme la limaille de fer, l’image de l’objet vers l’intellect ». Quant à Alberti (1404-1472), il estime que la « perspective légitime » est applicable à n’importe quelle composition. Elle triomphe avec Piero della Francesca (v. 1416-1492) qui, formé à Florence, l’impose dans ses fresques à Arezzo, à Rimini, ou encore à Urbino. Or, codifier la perspective puis l’appliquer avec rigidité risquait de devenir un cul-de-sac. Au XVIe siècle, Léonard de Vinci, puis les maniéristes et Caravage lui imposent des accommodements, des distorsions qui la rendent encore plus opératoire.


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