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Racisme, stéréotypes, appropriation culturelle : faut-il censurer les classiques Disney ?

Les corbeaux de Dumbo. Zimbo

Le lancement de Disney+ le 12 novembre 2019 aux États-Unis a réveillé les polémiques sur les anciens dessins animés de la firme. Consciente du risque, elle a fait précéder certains d’entre eux d’un bref avertissement : « Ce programme est présenté tel qu’il a été originellement créé. Il peut contenir des représentations culturellement datées. » C’est le cas notamment de Dumbo (1941), Peter Pan (1953), La Belle et le clochard (1955) et Le Livre de la jungle (1967).

Ces films ont en effet été fréquemment dénoncés. La scène des corbeaux, dans Dumbo, a été maintes fois qualifiée de raciste, d’autant que leur leader est une allusion patente au personnage de Jim Crow, le célèbre « blackface » créé en 1828 par Thomas D. Rice, qui a donné son nom aux lois de ségrégation en vigueur dans les états du Sud jusqu’en 1964. S’il n’est pas nommé dans le film, l’oiseau est d’ailleurs désigné par ce patronyme sur les esquisses de Ward Kimball, son animateur. La séquence est si controversée que, début septembre 2019, au lancement de la version bêta de Disney+ aux Pays-Bas, certains se sont étonnés qu’elle n’ait pas été coupée.



Dans Peter Pan, c’est la caricature des Indiens qui s’est attirée les foudres de la critique, tandis que la coiffure de plumes arborée par le héros sur le sentier de la guerre a concentré les procès en appropriation culturelle. La Belle et le clochard, de son côté, s’est fait attaquer pour la fameuse chanson des Siamois, accusée de perpétuer les stéréotypes de fourberie et de cruauté associés aux peuples asiatiques.

Quant au Livre de la jungle, c’est une assimilation des singes et de leur roi Louie à la population afro-américaine qui a été retenue à charge. L’analogie une fois admise, l’air jazzie de Louis Prima sur lequel l’orang-outan chante son aspiration à devenir un homme a pu être taxé de racisme à l’état pur.



Pudeurs rétrospectives

Aucune de ces scènes, aucun de ces personnages n’a choqué à la sortie des films concernés. Tous ces réquisitoires qui alimentent le « Disney bashing » sont le fruit d’interprétations a posteriori, essentiellement inspirées par les post-colonial studies. La mise en garde affichée sur la plate-forme prend acte de l’évolution des sensibilités sur ces questions ; mais elle est jugée insuffisante par bon nombre de spécialistes qui préconisent une contrition plus précise, plus circonstanciée, et ouverte à la prise en compte du genre et des préférences sexuelles. Marisa Iati faisait le point sur le débat dans un article du Washington Post, en date du 14 novembre.

De fait, ces mises en garde apparaissent très en retrait des commentaires de Leonard Maltin sur certains DVD des Walt Disney Treasures.



Sur la compilation Mickey Mouse in Black and White, sortie en 2002, il souligne par exemple que les dessins animés des années 1930 et 1940 « reflètent les attitudes et les préjugés de leur temps », et n’hésite pas à déclarer que « certaines de ces idées seraient aujourd’hui totalement inacceptables ». En introduction à Mickey’s Mellerdrammer, un court-métrage de 1933 consacré à la préparation d’une représentation de La Case de l’Oncle Tom, il rappelle l’histoire du blackface pour resituer les gags dans leur contexte historique. Il explique, au passage, quelle est la politique de la firme et pourquoi, dix-sept ans plus tard, elle se contente d’une mise en garde sommaire en tête de ses classiques les plus contestés :

« Il y en a qui mettraient ces films sous le tapis, prétendant qu’ils n’ont jamais existé. Nous ne souhaitons évidemment pas que les enfants se fassent des idées fausses en voyant certains de ces stéréotypes. Mais les fans et les amateurs de Disney doivent pouvoir profiter de ces œuvres intactes. Et en ce qui concerne les parents, il peuvent saisir cette opportunité pour évoquer la manière dont les choses se passaient autrefois. »



Censure : le tout ou rien

En ce domaine, la position de Disney obéit au principe du tout ou rien. Soit un film est banni comme La Mélodie du Sud (1946), reconnu coupable d’enjoliver à l’excès les rapports entre blancs et noirs dans les plantations, au lendemain de la Guerre de Sécession ; soit il est diffusé sans coupure. La stratégie n’a guère varié depuis qu’en 1986, Michael Eisner, le PDG d’alors, a renoncé à exploiter sur le territoire américain – aussi bien en salle qu’en VHS – l’adaptation des histoires d’Oncle Remus de Joel Chandler Harris, un classique du folklore noir sudiste.

Le film de Harve Foster et Wilfred Jackson, mêlant prise de vue réelle et dessin animé, avait fait polémique dès sa sortie, en 1946. Tiré de contes parus pour l’essentiel dans les dernières décennies du XIXe siècle, il véhiculait trop de clichés sur les noirs et leur attachement à leurs anciens maîtres. La Walt Disney Company l’a laissé circuler en Europe jusqu’en 2001, date de sa dernière édition britannique en DVD. Elle a pris soin d’annoncer très tôt qu’il ne serait pas disponible sur Disney+, alors même que depuis 2010 des voix s’élèvent dans ses rangs pour le ressortir du placard, arguant à juste titre de sa qualité esthétique et musicale, et rappelant qu’il n’a rien de malveillant.



La Walt Disney Company, clairement engagée dans la promotion de la diversité et la lutte contre les discriminations, comme en témoigne entre autres Zootopie (2016), apparaît parfaitement consciente des responsabilités que lui imputent les cultural studies en matière de formation des jeunes esprits.

Les précautions affichées en tête de quelques classiques sur Disney+ sont là pour témoigner d’une prise de distance envers des séquences qui n’auraient plus leur place dans des scénarios contemporains. Mais la Company n’est pas moins au fait du piège dans lequel les nouveaux codes du politiquement correct menacent de la précipiter.



Culture et « studies »

En un peu plus d’un demi-siècle d’existence, les « studies » en tout genre ont profondément modifié le paysage intellectuel américain. Sur les campus, elles ont notamment généré une forme de censure subtile, fondée sur les bons sentiments. Au pays de la liberté d’expression, la pratique du « Free Speech » assurant à chacun le droit d’exprimer publiquement ses idées en un lieu dédié, est elle-même remise en cause, jusqu’à Berkeley où elle a vu le jour en 1968. Parallèlement, les « désinvitations » se sont multipliées sous la pression d’activistes refusant d’offrir une tribune à des orateurs dont ils désapprouvent les positions ou les comportements.


Affiche française de la Mélodie du Sud.

Les enseignements de littérature et d’histoire ont particulièrement fait les frais de revendications visant à ne plus exposer diverses minorités à des textes ou des images considérés comme choquants ou offensants. La demande de « trigger warnings » (avertissements) sur les œuvres et les documents, pour prévenir de la présence en eux d’éléments susceptibles de déclencher une réaction d’inconfort, ne cesse de s’étendre. La généralisation récente du concept de micro-agression a étendu le champ des contenus problématiques à des formulations nullement hostiles. La sensibilité croissante à la notion d’appropriation culturelle est venue compliquer toute forme d’exotisme ou de métissage.

En 2015, la prestigieuse Université de Yale a été secouée par un scandale touchant les célébrations d’Halloween, alors que les costumes d’Indien ou de Mexicain apparaissent à certains de plus en plus inconvenants. Une enseignante et son époux, directeur d’un des collèges de l’établissement, ont été poussés à la démission pour avoir défendu le droit à la transgression. À coups de campagnes véhémentes, les militants de tout poil travaillent à imposer une conception de l’Université comme « safe space » (espace sûr), sur le modèle de ces lieux préservés où l’absence de toute forme de provocation ou même de contradiction est garantie. Barack Obama lui-même s’est insurgé contre cette tendance dans un meeting de septembre 2015 à Des Moines.



Hollywood et Burbank n’échappent évidemment pas à la vigilance de tels prosélytes.

Disney, un paradoxe historique

Pour les « studies », le contexte historique ne justifie aucun affront. Seul compte l’éternel présent de la consommation culturelle. Les classiques Disney sont d’autant plus exposés à leurs assauts qu’ils ont défié le temps plus que tous les autres films : un enfant de 2019 est aussi contemporain de Blanche-Neige (1937) que de La Reine des neiges (2013 et 2019), de Vaiana (2016) ou de Ralph 2.0 (2018). Ce paradoxe ne date pas d’hier. Au temps de Walt, les succès passés ressortaient en salle environ tous les sept ans. Les VHS et les DVD les ont fait coexister dans les vidéothèques ; Disney+ les rend accessibles en un clic. Cette atemporalité des cartoons Disney entre en conflit direct avec des logiques interprétatives qui les ramènent à leur ancienneté.

Face à cela, les remakes en live action sont l’occasion de gommer certaines aspérités : les corbeaux ont disparu du Dumbo de Tim Burton ; les chats de La Belle et le clochard ne sont plus siamois dans la version de 2019 ; le roi Louie de 2016 entonne certes le même air qu’en 1967, mais il est considérablement abrégé et l’on entend bien plus Christopher Walken parler que swinguer. Les studios respectent donc naturellement la sensibilité du public, mais ils défendent à bon droit la valeur patrimoniale d’une œuvre au long cours, qui colle à l’histoire du XXe siècle états-unien sans en avoir jamais épousé la noirceur.

Réécrire les classiques en coupant ou modifiant des passages pointés du doigt ne reviendrait pas seulement à les dénaturer, ce serait céder à une véritable négation de l’histoire. Cacher ces offenses que l’on ne saurait voir conduirait à occulter les progrès accomplis pour instaurer de facto une utopie postmoderne proche du cauchemar de George Orwell.

Dans la grande bataille des plates-formes, il est par ailleurs essentiel pour la Walt Disney Company de ne pas entamer le prestige d’un catalogue bientôt séculaire qui constitue un précieux atout commercial. Changer Disney+ en « Safe Space » l’exposerait à devoir privilégier les productions originales formatées, à l’instar de Netflix ou d’Amazon. La curiosité du public rejoint en définitive l’intérêt de la firme aussi bien que celui des chercheurs : Disney, c’est toute une histoire… que la France pourra redécouvrir à partir du 31 mars 2020.

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