Comment naît le « goût du Moyen Âge » ? Pour Alexandre de Sommerard, créateur du Musée d’Antiquités nationales, futur musée national du Moyen Âge et des Thermes de Cluny, ce goût s’est forgé dans sa ville de Bar-sur-Aube, où le Moyen Âge dispose d’un remarquable patrimoine sculpté. Cette richesse dans la sculpture se retrouve dans d’autres espaces, comme la Souabe, que nous avions évoqué à propos d’une exposition au musée de Cluny. Jean-Luc Liez, auteur d’un ouvrage remarqué sur l’art des Trinitaires au Moyen Âge, s’est donc intéressé au statuaire des églises de Bar-sur-Aube et de quatre communes limitrophes (Auleville, Baroville, Fontaine et Proverville).
Des images de pierre
43 statues sont présentées et étudiées dans des notices, riches en détails. La richesse patrimoniale de cet espace géographique réside également dans les dimensions des statues et les matériaux mobilisés. Le bois n’est pratiquement pas utilisé à Bar. Il est également peu employé dans le périmètre voisin étudié (1/3 des statues), alors qu’il domine largement dans d’autres secteurs aubois (plus des 2/3 du statuaire dans le canton de Soulaines-Dhuys). C’est la pierre, souvent peinte après le travail du sculpteur, qui est donc privilégié par les artisans.
Sainte Anne éducatrice, église Saint-Pierre, Bar-sur-Aube, Jean-Luc Liez.Un espace entre Bourgogne et Champagne
L’ originalité du statuaire s’explique en grande partie par le fait que l’espace étudié est à la croisée de deux influences : celle des maîtres champenois et celle des ateliers bourguignons. Cette dernière se lit notamment dans les personnages calmes des Saints évêques, comme Saint Maclou ou dans une des Vierges à l’Enfant (p. 116). Le rayonnement de la Bourgogne s’explique par les facilités de circulation offertes par la moyenne vallée de l’Aube, axe naturel de pénétration. À cette aune, le canton de Bar-sur-Aube constitue un vrai « jalon pour l’étude des influences artistiques » au Moyen Âge. Le XVIe siècle voit l’émergence d’un style troyen, qui se lit dans les riches détails vestimentaires, la délicatesse des plis et la technicité des artisans.
Le panthéon de la piété
L’ouvrage montre également la créativité des artisans. Un Saint Sébastien (p. 78-79) présente ainsi une torsion insolite, courbure qui amplifie les tortures subies par le saint, tortures que le lecteur lira sans peine sur le visage du saint. Mais le livre de Jean-Luc Liez permet aussi d’inventorier un panthéon de la piété locale. Dans ce statuaire, certaines figures sont plus souvent représentées que d’autres. Les Vierges à l’Enfant représentent ainsi 18% du corpus, Saint Sébastien 9%, Sainte-Barbe 7% etc. Cette sérialité, qu’il convient toutefois de relativiser en raison des statues disparues, mutilées, volées et déplacées, nous donne des indices précieux sur l’existence de cycles iconographiques. Elle offre aussi un repère évident sur les destinataires de la piété médiévale dans l’espace de Bar-sur-Aube.
Ce livre constitue donc un guide précieux pour arpenter la Champagne et (re)découvrir son héritage médiéval, qui ne se limite pas à la cathédrale de Reims ni à la ville de Troyes. À la veille des vacances d’été, voilà peut-être une idée de séjour, loin des plages, dans une région verte, où le patrimoine historique, dont nous avions déjà évoqué la richesse, reçoit l’épice d‘un patrimoine culinaire tout aussi varié.
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