Questions à Dominique Garcia, Président de l’Institut national de recherche archéologiques préventives (INRAP),professeur d’archéologie (chaire d'Antiquités nationales et de Protohistoire européenne) à l'Université d'Aix-Marseille, Membre de l’Institut universitaire de France.
Dominique Garcia, président de l'Institut national de recherches archéologiques préventives.Image libre de droit ; cl. D. Goupy.
Sciences et Avenir : Une nouvelle loi, promulguée le 7 juillet 2016 ("Liberté de la Création, Architecture et Patrimoine"), et passée relativement inaperçue, stipule que le patrimoine archéologique appartient désormais à 100% à l’Etat. Pourquoi ce grand changement ?
Dominique Garcia : Jusqu’à présent en France, le statut des vestiges archéologiques mis au jour sur le territoire national relevaient d’un droit de propriété complexe et multiple. De façon générale, selon les termes de la loi de 1941, les objets archéologiques découverts fortuitement appartenaient à 50%, au propriétaire du terrain, et 50% à l’"inventeur", celui qui avait fait la découverte. Une partie de notre patrimoine, un bien commun, pouvait donc disparaitre, être vendu ; des ensembles archéologiques cohérents étaient dispersés. Désormais, comme le stipule le Journal Officiel (article L.541-5), tout bien archéologique (immobilier ou mobilier) découvert tendra à appartenir totalement à l’Etat.
Cela quel que soit le terrain où l’objet a été découvert, même sur une propriété privée ?
Absolument. Qu’il s’agisse de fouilles archéologiques préventives (réalisées en préalable à des travaux d’aménagement du territoire), presque exclusivement effectuées sur des terrains privés ou bien des fouilles programmées (pratiquées, à la demande de chercheurs, sur des sites archéologiques reconnus). Chez les particuliers, Désormais les « biens archéologiques mobiliers sont présumés appartenir à l’Etat » ; cette loi s’appliquera aussi en cas de découverte fortuite, s’il y a « reconnaissance de l’intérêt scientifique justifiant leur conservation».
Ne craignez-vous pas, qu’avec cette législation, certaines découvertes soient tues ?
Je ne le pense pas. Comme le montrent notamment des enquêtes d’opinion, les Français sont attachés à leur Patrimoine archéologique et à sa valorisation. En outre, dans cette nouvelle loi, intervient la notion d’indemnisation. Cette disposition existait déjà dans le cadre des trouvailles réalisées dans le domaine public maritime, lors de la mise au jour accidentelle d’une épave ou d’un objet isolé (amphore ou autre). Par exemple, une indemnité pourra être versée au propriétaire du terrain où ont été retrouvés les vestiges (pour "compenser le dommage qui peut lui être occasionné pour accéder audit bien") justement destinée à éviter la dissimulation des découvertes. Cette indemnisation sera évaluée à l’amiable ; éventuellement un juge pourra trancher.
La découverte éventuelle de grottes préhistoriques tombe-t-elle sous le coup de cette loi ? On se souvient des problèmes qui avaient fait suite à la découverte de la grotte Chauvet, en Ardèche…
La jurisprudence sur les grottes ornées est abondante et complexe. Comme toujours, tout n’est pas dans la loi et, dans l’avenir, des découvertes extraordinaires feront sans doute l’objet de débats. Mais si l’on considère une grotte comme un vestige immobilier, la loi prévoit donc une appropriation publique ; dans le cas où ses vestiges donnent lieu à une exploitation (art. L 541-3) "la personne qui assure cette exploitation verse à l’inventeur une indemnité forfaitaire ou, à défaut, intéresse ce dernier au résultat de l’exploitation du bien".
Mais que se passera-t-il en cas de découverte d’un squelette d’Homo sapiens ou de Neandertal à l’intérieur d’une grotte ? Ou bien d’objets préhistoriques mobiliers rares, comme des vénus gravées sur ivoire de mammouth ou autres ?
Les objets mobiliers (céramique, ivoire, métal…), si leur intérêt scientifique est reconnu, deviendront propriété de l’Etat comme pour un site "classique". Pour les restes humains que l’on ne peut, déontologiquement et juridiquement, qualifier "d’objets", leur traitement scientifique et les modalités de conservation ne sont pas repris dans la nouvelle loi, la réglementation antérieure s’applique donc.
Cette loi fait-elle exception en Europe ?
Tout au contraire. C’est l’ancienne législation française, directement héritée de la Révolution, qui constituait un archaïsme au regard des lois archéologiques en vigueur dans les autres pays (Suède, Grèce, Europe centrale et orientale, Allemagne, etc.). Désormais, pour ses biens archéologiques, la France a rejoint le concert d’autres grandes nations. Ce qui constitue une grande avancée tant pour les scientifiques dont les objets d’étude seront préservés que pour les citoyens qui verront leur patrimoine commun s’enrichir..
Exemple d’article du code du patrimoine lié à la découverte de vestiges archéologiques.
L’article 510-1 du Code du Patrimoine : « Constituent des éléments du patrimoine archéologique tous les vestiges, biens et autres traces de l’existence de l’humanité, dont la sauvegarde et l’étude, notamment par des fouilles ou des découvertes, permettent de retracer le développement de l’histoire de l’humanité, y compris le contexte dans lequel ils s’inscrivent et de sa relation avec l’environnement naturel ».
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