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Le cacao, ce divin breuvage venu du Mexique

Cultivée au Guatemala, la fève de cacao était un produit de luxe prisé des Amérindiens pour ses vertus et son symbolisme religieux. Avant de séduire les palais du monde entier…
Isabel Bueno, docteur en histoire.
Publié le 01/05/2021 à 13h00 I Mis à jour le 01/05/2021 à 13h00



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Gravure botanique représentant des fèves de cacao • ISTOCK

Un mythe aztèque raconte que lorsque le dieu Quetzalcóatl descendit sur terre pour offrir l’agriculture, les sciences et les arts aux hommes, il épousa une belle princesse de Tula. Pour célébrer l’événement, il créa un paradis où le coton poussait de différentes couleurs, où l’eau jaillissait, cristalline, et où l’on trouvait toutes sortes de pierres précieuses, de plantes et d’arbres, parmi lesquels se distinguait le cacahuaquahitl, le cacaoyer. Or, il s’agissait de la nourriture des dieux, qui voulurent punir Quetzalcóatl de l’avoir donnée aux hommes et assassinèrent son épouse. Désespéré, le dieu pleura sur la terre ensanglantée. À cet endroit poussa alors un arbre qui portait le meilleur cacao du monde : « Son fruit était amer comme la souffrance, fort comme la vertu et rouge comme le sang de la princesse. »

En réalité, le cacaoyer est originaire du bassin amazonien. Au cours du IIe millénaire av. J.-C., il s’est acclimaté en Méso-Amérique, la région formée par l’Amérique centrale et le Mexique. Il y a été domestiqué et manipulé jusqu’à l’obtention d’une variété dite « créole », de saveur plus délicate et moins amère que le cacao d’Amérique du Sud. Les premiers Méso-Américains qui ont utilisé le cacao sont les Olmèques (1200-200 av. J.-C.), mais on ne sait pas s’ils ont domestiqué la plante, ni s’ils consommaient ses fèves ou utilisaient uniquement la pulpe fermentée pour préparer des boissons alcoolisées, comme on le faisait en Amazonie, où l’on ne consommait pas les graines.

Une denrée rare et recherchée

Pour croître, le cacaoyer a besoin de conditions très spécifiques. Il ne pousse que dans des régions tropicales, aux températures supérieures à 18 °C et à une altitude inférieure à 1 250 mètres ; il lui faut en outre de l’ombrage. En Méso-Amérique, il ne prospérait qu’au Guatemala et dans les États mexicains du Chiapas et du Tabasco. Ses fruits mûrissent en quatre à six mois et, une fois cueillis, il faut les ouvrir à la main pour en extraire les fèves de cacao. La cueillette se fait par le gaulage : on frappe la cime de l’arbre avec une longue perche pour faire tomber les fruits à terre.

Sa croissance sur une aire réduite et la complexité de sa manipulation ont fait du cacao un produit de luxe dans la société méso-américaine. Son importance grandit à la période classique (150-900 apr. J.-C.), en particulier chez les Mayas, pour qui il était sacré sous toutes ses formes. Dans les manifestations artistiques de cette culture, le cacao est représenté sur de nombreux supports – pots, bas-reliefs, codex – et toujours en présence de personnages de haut rang lors de cérémonies. Cette abondance de représentations sur les terres mayas n’a rien de surprenant, puisque c’est justement dans cette région que poussait le cacaoyer.

Rituels funéraires et sacrifices sanglants

Le cacaoyer faisait partie des rites préhispaniques, du moins à partir de la période classique. Il assumait parfois le rôle d’arbre cosmique, associé au sud, et donc à l’inframonde, sans doute parce qu’il avait besoin d’ombre. Aussi son symbolisme était-il en opposition à une autre culture majeure de la région, le maïs. Celui-ci symbolisait la lumière et la vie, au contraire du cacao, associé à l’obscurité et à la mort. Il a également été apparenté au jaguar, son protecteur (il existe une variété de cacao bicolore appelée balamté, l’arbre du jaguar), et au jeu de balle, à cause de l’intensité de ce sport ; le grand pouvoir stimulant et fortifiant du cacao était indispensable à cette activité physique exigeante.

Mais le cacao a surtout été associé au sang et au sacrifice, en raison de sa forme et de sa couleur. L’apparence de la cabosse rappelait le cœur, qui garde en lui le précieux liquide rouge. Il arrivait que l’on ajoute à la boisson de cacao de l’achiote, ou rocou, un colorant rouge qui teignait les lèvres en donnant l’aspect du sang. Dans certains rituels, on préparait la boisson avec l’eau qui avait servi à laver les couteaux utilisés lors des sacrifices.

Le cacao n’était pas seulement cultivé pour le plaisir de le manger. Il servait surtout lors de cérémonies religieuses et sa culture donnait lieu à des rituels codifiés.

La plantation et la culture du cacao étaient également entourées de rites destinés à assurer une excellente récolte. Par exemple, les agriculteurs mayas, qui produisaient du cacao pour le reste de la Méso-Amérique, respectaient l’abstinence sexuelle 13 nuits durant avant de le planter ; le quatorzième jour, ils pouvaient partager la couche de leur épouse et commencer les travaux agricoles. Pendant ce processus, ils avaient besoin de sang animal et humain pour fertiliser la terre, raison pour laquelle ils sacrifiaient un chien peint d’une tache de couleur cacao, tandis que les hommes offraient aux dieux les fèves et leur propre sang, qu’ils tiraient de différentes parties de leur corps et dont ils enduisaient les images divines. Le cacao était également présent dans les cérémonies sociales. Lors des mariages, les jeunes époux partageaient une tasse de chocolat comme symbole de l’union de leur sang, c’est-à-dire de leurs lignages.

Le cacao faisait aussi partie du mobilier funéraire des défunts. Certainement avait-il pour mission de les nourrir lors de leur périple dans l’inframonde. Cette coutume s’est perpétuée dans certaines communautés de l’Oaxaca, au Mexique, jusqu’à la première moitié du XXe siècle. De nos jours, le chocolat est toujours présent sous l’une de ses formes (poudre, bonbons ou tablettes) sur les autels des défunts élevés le 1er novembre, à l’occasion de la fête des morts.

Commerce à grande distance

Il peut paraître étrange qu’à plus de 1 000 kilomètres de la zone maya, dans une région centrale du Mexique qui ne jouissait pas des conditions climatiques requises pour la culture du cacaoyer, on trouve des représentations du cacao : à Teotihuacán, la plus grande des cités méso-américaines. En fait, Teotihuacán importait le cacao depuis les régions productrices. Les recherches archéologiques confirment les relations étroites qui existaient entre les habitants de Teotihuacán et les Mayas, et démontrent l’intensité des échanges commerciaux sur de grandes distances. Le cacao était l’un des produits associés à la richesse, avec le jade, les plumes précieuses et les peaux de jaguar, tous biens importés de la zone tropicale par l’élite mexicaine pour sa consommation privée et pour les cérémonies rituelles.

Pendant la période postclassique (900-1521 apr. J.-C.), la demande en cacao a augmenté parallèlement à l’expansion de l’Empire aztèque. Étant donné la concentration de sa production dans des zones spécifiques, il est devenu un produit de luxe, en particulier au cours des 300 dernières années de la domination aztèque. Il n’a bien sûr pas échappé à la rouerie de commerçants sans scrupule qui le frelataient pour augmenter leurs bénéfices, en teignant et en grossissant artificiellement les fèves.

Quatre fèves pour acheter un lapin

Le cacao était en effet un tribut apprécié que les Aztèques exigeaient des provinces productrices. Celles-ci devaient le leur remettre traité, c’est-à-dire sous forme de fèves, plus faciles à transporter et à stocker. D’après ce qui apparaît dans les livres de comptes aztèques, on réclamait une taxe annuelle de 980 chargements de cacao ; chaque chargement contenait 24 000 fèves et pesait environ 25 kilos. Nous savons aussi que le cacao était utilisé comme monnaie, du moins sous le règne de Moctezuma II. Avec quatre fèves, on pouvait acheter un lapin, et avec dix, la compagnie d’une femme. Cette situation s’est perpétuée après la conquête espagnole du Mexique, en 1521, et l’instauration de la vice-royauté de Nouvelle Espagne. Le cacao coexistait avec les monnaies espagnoles et était sujet à des fluctuations qui faisaient varier sa valeur.

Les usages médicinaux et cosmétiques du cacao étaient aussi nombreux. On utilisait l’huile extraite des fèves pour aromatiser, et avec le beurre de cacao obtenu de la graisse des fèves, on préparait des onguents et des pommades pour soigner des affections aussi diverses que la sécheresse de la peau, les brûlures, les lèvres gercées, les seins des accouchées et les hémorroïdes. En boisson, le chocolat était non seulement délicieux et rafraîchissant, mais aussi, selon les condiments auxquels il était mélangé, énergétique, aphrodisiaque ou hallucinogène. Un aliment divin, dont Quetzalcóatl a récompensé les hommes et qui, depuis l’Amérique, a conquis le monde.

Pour en savoir plus
Les routes du chocolat. Le Mexique, V. Tibère, Les Éditions du Palais, 2011.
Le Chocolat, N. Cholewka, H. Champion, 2011.

La première vision du cacao
Lors de son quatrième voyage, entre 1502 et 1504, la caravelle de Christophe Colomb aborda l’embarcation de commerçants mayas. Son fils Fernando, qui voyageait avec lui, a noté dans son Histoire de l’amiral Colomb que les Mayas transportaient des « amandes qu’ils semblaient beaucoup apprécier, car alors que les marchandises étaient portées dans la caravelle, j’ai remarqué que si quelques-unes de ces amandes tombaient, ils essayaient tous de les ramasser comme s’ils avaient perdu un œil ». Ces « amandes » étaient sur le point de révolutionner l’histoire de la gastronomie : il s’agissait des fruits du cacaoyer, que les Européens voyaient pour la première fois.


Isabel Bueno, docteur en histoire.

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