Le huitième volume du corpus de la statuaire médiévale évoque la statuaire dans les cantons de Heiltz-le-Maurupt et de Givry-en-Argonne. Éloignés des grands centres comme Reims et Langres, ces espaces ruraux permettent d’étudier la dévotion de ce qui composait la majeure partie de la population au Moyen Âge. L’ouvrage complète le volume dont nous avons parlé précédemment et que vous pouvez lire en cliquant sur ce lien.
Un corpus peu dense
Le corpus étudié se distingue par sa modestie. 22 statues seulement sont présentes. Ce caractère modeste du mobilier s’explique par différentes raisons. Aux ravages de la Guerre de Cent ans, se sont ajoutées les destructions dues à la Révolution française (l’abbaye de Montiers-en-Argonne par exemple) et celles occasionnées par la Grande Guerre. L’activité artistique est aussi moindre dans les pôles secondaires, même s’il existe des ateliers dynamiques, comme celui du Perthois ou celui de Vitry.
Le statuaire se compose ainsi de modèles souvent copiés, tel ce Saint Claude de l’église du chemin (voir illustration ci-dessous). Mais si son vêtement est semblable à celui de Saint Rémi de l’église Sainte Marguerite de Montreuil-sur-Blaise, son visage a été modifié pour se conformer à l’iconographie claudienne. Cet exemple permet de montrer que des artistes locaux savaient puiser dans un répertoire thématique afin de dégager leur œuvre de l’uniformité de la série.
Saint Claude en évêque, bois polychrome, après 1525, église le Chemin
Une dévotion conforme
Le faible corpus n’en confirme pas moins les enseignements tirés des volumes précédents. Au Moyen Âge, la dévotion champenoise reste cristallisée sur la Vierge et sur des saints locaux. Dans le panthéon dressé par l’inventaire réalisé, la Mère de Dieu occupe 40% du statuaire, les saints et saintes 25%. Les factures des statues ne sont pas nécessairement frustes. Les sujets copiés ou créés renvoient aux commanditaires, c’est à dire à ceux qui commandent les statues. Se cache derrière ce statuaire toute une foule, qu’il est bien délicat aujourd’hui de cerner. Aux « coqs de village » comme Marc Bloch aimait à appeler les laboureurs, s’ajoutent les curés ou les fabriques des villages, des seigneurs (la zone étudiée est un espace dense en châteaux et établissements religieux), des artisans… Ces personnes, aux moyens différents, font appel à des sculpteurs établis en ville, artistes de dimension et de talents pluriels. Mais tous participent à une dévotion orientée de manière privilégiée vers la Vierge et les saints appréciés dans ces espaces.
Un ouvrage original
Si les lecteurs retrouveront la forme habituelle des volumes précédents (présentation géographique et historique des cantons étudiés, bibliographie (p. 15-16), analyse du statuaire), ils trouveront toutefois des problématiques différentes. Dans ce volume, il est davantage question des relations entre des centres artistiques et leurs périphéries, des influences entre un art urbain créateur et un art rural (plus ou moins) imitateur, ainsi que de la mise en évidence d’un espace multipolaire, où les pôles ont des zones d’influence qui se touchent et se chevauchent.
La dernière contribution, fruit d’un braconnage géographique, porte sur la croix monumentale d’Isson et les œuvres marnaises de l’atelier dit de Malaincourt. Les auteurs soulignent ainsi l’intérêt de franchir les limites administratives contemporaines afin de cartographier l’espace recouvert par une production artistique au Moyen Âge. Ce livre, destiné aux chercheurs et aux étudiants, s’adresse aussi aux amateurs et aux habitants des secteurs concernés. L’ouvrage montre aussi que dans la France dite des faibles densités, frappée par la déprise démographique et économique, existe aussi un patrimoine médiéval digne d’intérêt, susceptible d’alimenter un tourisme culturel.
FUSIER, Jean, BARREAU, Aurore, Corpus de la statuaire médiévale et Renaissance de Champagne méridionale et de l’Est de la France, Cantons de Heiltz-le-Maurupt et Givry-en-Argonne (Marne), vol. VIII, Nancy, Presses Universitaires de Lorraine, 2017, 23€
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