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Johannes Vermeer, le « sphinx de Delft »

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Johannes Vermeer, le « sphinx de Delft » Johannes Vermeer, Le Géographe, 1669, huile sur toile, 51,6 x 45,4 cm, Francfort, Städel Museum © Wikimedia Commons

Parmi les peintres du siècle d'or hollandais, Vermeer s'impose comme un titan. Plongez dans l'œuvre de ce poète de la vie silencieuse.

Cette expression du « redécouvreur » de Vermeer, Théophile Thoré-Bürger, a longtemps alimenté une vision romantique de l’artiste, peintre de génie, électron libre, auteur de tableaux profondément singuliers. Pourtant la vie comme l’œuvre de Vermeer trouvent de nombreuses correspondances avec celles de ses confrères. Le peintre de Delft se distingue en revanche par l’atmosphère recueillie qu’il insuffle à ses tableaux de genre, par un traitement particulier de la lumière et de la matière picturale et par la richesse des interprétations qu’il suggère.

Johannes Vermeer, La Lettre, vers 1670, huile sur toile, 72,2 x 59,7 cm, Dublin, National Gallery of Ireland © Wikimedia Commons

Un voile de mystère a longtemps enveloppé la vie de Vermeer, à peu près ignoré par la littérature artistique de la fin du XVIIe et du XVIIIe siècle. Certes, depuis les recherches pionnières de Théophile Thoré-Bürger, les historiens de l’art ont entrepris de reconstituer son œuvre peint, mais il a fallu attendre les travaux de John Michael Montias, à partir des années 1970, pour éclairer plus précisément le parcours de l’artiste.

Né en 1632 à Delft, Johannes Vermeer est le fils d’un ancien tisserand devenu aubergiste, qui exerçait occasionnellement une activité de marchand de tableaux. Il est reçu maître à la guilde de Saint-Luc le 23 décembre 1653, condition pour pouvoir exercer le métier de peintre. La même année, il a épousé Catharina Bolnes, issue d’une famille catholique aisée. Les époux vivront chez la mère de cette dernière, Maria Thins, pendant quinze ans, dans le quartier catholique de Delft, et donneront naissance à onze enfants, dont sept ont survécu.

Johannes Vermeer, La lettre interrompue, vers 1665-1667, huile sur panneau, 45 x 39,9 cm, Washington, National Gallery of Art © Wikimedia Commons

Père fécond, Vermeer se révélera un peintre beaucoup plus parcimonieux. En vingt ans, il aurait peint quelque quarante-cinq tableaux, soit deux par an en moyenne, dont un peu plus de trente sont aujour d’hui conservés. Bénéficiant des rentes de sa belle-famille, l’artiste pratiquait en outre le commerce de l’art, autant de sources de revenus qui le rendaient peu dépendant de la vente de ses tableaux. Ceux-ci étaient acquis à des prix relativement élevés par une poignée de riches amateurs, au premier rang desquels figure Pieter Claesz. van Ruijven. Lorsque sa collection fut vendue en 1696 à Amsterdam, elle comptait vingt et un Vermeer, soit près de la moitié de la production du peintre.

Johannes Vermeer, Le Géographe, 1669, huile sur toile, 51,6 x 45,4 cm, Francfort, Städel Museum © Wikimedia Commons

Les archives, en revanche, sont restées muettes sur sa formation et les spécialistes débattent encore de l’identité de son maître. Le plus hollandais des peintres commence paradoxalement sa carrière sous le signe de l’Italie. Ses premières œuvres, Le Christ chez Marthe et Marie et Diane et ses nymphes, explorent une veine religieuse et mythologique qui sera rapidement abandonnée au profit de la scène de genre principalement. Sur ces toiles relativement grandes, les figures monumentales sont dépeintes dans des coloris voluptueux, proches de l’école d’Utrecht. Enclave catholique dans un pays calviniste, cette cité était le principal foyer italianisant aux Pays-Bas ; Dirck van Baburen ou Hendrick ter Brugghen notamment avaient fait le voyage dans la Péninsule et contribué à propager la leçon du Caravage, réinterprétée dans un esprit plus coloré et trivial. L’Entremetteuse de 1656 s’inscrit dans leur sillage. Plus ancienne œuvre datée et signée de Vermeer, c’est aussi sa première scène de genre. En dépit de l’intention morale évidente, le peintre souligne avec complaisance le caractère équivoque de la situation. Entre regards égrillards et gestes licencieux, les personnages s’agglutinent dans une trouble promiscuité tandis que la palette chaude, dominée par les rouges et les bruns, souligne la sensualité de la scène.
Daté de l’année suivante, Le Soldat et la jeune fille souriant marque une inflexion majeure dans son travail et voit se dessiner un regard singulier. Soudain l’espace s’ouvre, la lumière inonde la pièce dans laquelle deux personnages se font face, ou plutôt s’opposent comme l’ombre et la lumière. Les connotations grivoises n’ont pas disparu et émail lent encore La Jeune Fille au verre de vin et Un verre de vin, peints peu après. Dans ces scènes s’élabore un dispositif autour duquel l’artiste composera de délicates variations. Un certain nombre d’accessoires emblématiques reviennent périodiquement dans son œuvre, faisant l’objet de combinaisons et de dispositions multiples : la fenêtre aux verres plombés, la chaise sculptée de têtes de lion, le clavecin, les cartes de géographie ou encore les lourdes tapisseries utilisées en nappe ou en rideau.

Une intimité qui se dérobe

Un jeu de variations se dessine aussi dans l’iconographie, sur le thème de la lettre, celle qu’on écrit ou celle qu’on lit, ou sur celui de la musique, qu’on la joue ou qu’on l’écoute. Les deux, parfois, se mêlent, comme dans La Lettre. Autre élément décisif de la peinture de Vermeer, la place des personnages dans l’espace. Les scènes de genre don nent à voir la plupart du temps une ou deux figures, saisies à mi-corps ou représentées en pied et mises en scène dans une pièce vue en perspective. Au sein de cet univers bien réglé, l’artiste parvient pourtant à surprendre et s’aventure dans le champ religieux avec son Allégorie de la foi catholique.

Johannes Vermeer, Allégorie de la foi catholique, vers 1670-1674, huile sur toile, 114 x 88 cm, New York, Metropolitan Museum of Art © Wikimedia Commons

Si la peinture était, dans la théorie classique, une fenêtre ouverte sur le monde, elle se résume, dans l’œuvre de Vermeer, à une porte ouverte sur l’intérieur – à deux sublimes exceptions près que sont la Vue de Delft et La Ruelle. Une tenture pendant au premier plan, un encadrement de porte matérialisent un seuil depuis lequel le spectateur observe l’intimité des personnages. Ou plutôt a l’illusion d’observer, car cette intimité se dérobe, à l’image de ces regards absorbés par quelque tâche domestique, par la lecture d’une missive, quand le modèle ne nous tourne pas simplement le dos. L’approche synthétique du peintre renforce ce caractère impénétrable des visages. S’éloignant des modèles caravagesques, il évite les mines explicites, les grimaces outrées et évacue tous les indices susceptibles de révéler de façon univoque et certaine les pensées du personnage ou le sens allégorique du sujet traité. Certes, nombre de détails semblent avoir été disposés à dessein pour éclairer le spectateur quant à la signification du tableau, mais leur relative ambivalence engendre une déroutante polysémie contrastant avec leur apparente simplicité.

Johannes Vermeer, Vue de Delft, vers 1660-1661, huile sur toile, 96,5 x 115,7 cm, La Haye, Mauritshuis © Wikimedia Commons

Parfois, le sens apparaît plus littéral. Considérons la célèbre Laitière. Il s’agit à première vue d’une représentation emblématique d’une femme au travail. Mais peut-être cette toile, par sa simplicité même, nous éclaire-t-elle plus sûrement sur le sens véritable de l’œuvre de Vermeer. Derrière l’apparent réalisme, des étrangetés optiques viennent troubler le regard : au premier plan, sur la table de l’office, les miches de pain sont constellées d’une myriade de points lumineux. Le même effet se retrouve sur la tenture disposée devant Le Géographe.

Johannes Vermeer, La Laitière, vers 1658-1659, huile sur toile, 45,5 x 41 cm, Amsterdam, Rijksmuseum © Wikimedia Commons

L’exploration de la lumière

Ces anomalies s’expliqueraient par l’usage d’une camera oscura, instrument optique permettant de projeter une scène sur une plaque de verre à travers une lentille. Les artistes hollandais, à l’instar de Samuel van Hoogstraten, ont été nombreux à employer cet accessoire, mais Vermeer semble l’avoir sciemment déréglé pour obtenir ce type d’effets, selon l’hypothèse de l’historien de l’art Arthur Wheelock. Quelle qu’en soit l’origine, ces tâches lumineuses donnent furtivement substance à la lumière qui irradie ses toiles. Plus que dans les énigmes iconographiques, la peinture de Vermeer trouve sa singularité et sa justification dans cette exploration de la lumière : celle-ci vient souligner l’ovale parfait des visages, découper le profil de L’Astronome, ou encore nimber les figures d’une délicate atmosphère. En même temps, la lumière génère une relative indéfinition des formes car, si Vermeer est apparié à la catégorie des Fijnschilders [peintres fins], « c’est un peintre fin qui peint flou », selon l’heureuse expression de Daniel Arasse. Là réside le paradoxe d’une peinture apparemment descriptive, mais dont la stylisation met le réel à distance.
Cette vision synthétique s’exprime aussi bien dans la simplification des drapés que dans la franchise du coloris et contribue à éloigner le sujet de l’anecdote. Singulier dans sa production, La Jeune Fille à la perle n’en est pas moins caractéristique de sa manière de faire : aucun trait ne vient marquer les transitions entre l’arête du nez et la joue, entre la paupière et l’œil, ni cerner la perle pendant à son oreille. Tout est fluide, sans aspérités, et pourtant incroyablement présent.

Johannes Vermeer, L’Atelier du peintre, vers 1665-1666, huile sur toile, 120 x 100 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum © Wikimedia Commons

À la fin de sa vie, Vermeer est accablé par les problèmes financiers. Les guerres de 1672 ont tari les revenus fonciers de sa belle-famille, mais aussi provoqué la chute brutale du marché de l’art. Si l’on en croit le témoignage de sa veuve, l’accumulation de ces déboires a eu raison de la santé de l’artiste, mort en 1675 à l’âge de quarante-trois ans. Après son décès, sa femme et sa belle-mère ont tout fait pour empêcher la saisie et la vente du tableau connu sous le nom de L’Atelier du peintre ou L’Art de la peinture, auquel elles semblaient, avec l’artiste, attacher une valeur particulière. Vermeer y représente, dans son cadre familier, un peintre vêtu à la mode du XVIe siècle, travaillant à son chevalet. Devant lui un modèle arbore les attributs de Clio, la muse de l’Histoire. Comme le souligne l’incertitude de la dénomination, cette œuvre lance un authentique défi aux historiens de l’art qui ont cherché dans les détails iconographiques, parfois insolites, la clé d’une interprétation définitive. Scène de genre, image réflexive de son propre travail, théorie en acte de la peinture, ce tableau emblématique est tout cela à la fois et plus encore. On n’en a pas fini avec Vermeer.

Johannes Vermeer, Jeune Femme assise au virginal, vers 1671-1674, huile sur toile, 51,5 x 45,5 cm, Londres, The National Gallery © Wikimedia Commons

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