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Francisco de Goya : du peintre de cour au génie visionnaire

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Francisco de Goya : du peintre de cour au génie visionnaire Francisco de Goya, Le Colosse, 1808-1812, musée du Prado, Madrid / Francisco de Goya

Enraciné dans le XVIIIe et le XIXe siècles, l’art de Goya paraît se métamorphoser sous nos yeux. Les œuvres de sa première période sont celles d’un peintre d’Ancien Régime tandis qu’après 1792, l’artiste, témoin des horreurs et des désillusions, s’abandonne à son génie propre, que son art transcende en visions fantastiques. Récit.

Goya est né en 1746, soit 10 ans avant Mozart, 24 ans avant Beethoven ; il a 46 ans lorsqu’éclate la Révolution française, 57 en 1800. C’est donc un homme du XVIIIe siècle. Mais il a vécu très longtemps – jusqu’en 1828 – et son œuvre comporte des aspects si radicalement neufs et tournés vers l’avenir qu’il appartient de plein droit au siècle de Delacroix, de Baudelaire et de Manet. Tous trois ont d’ailleurs rendu hommage à son génie. Cette situation de double enracinement, dans le XVIIIe et le XIXe siècles, fait que l’œuvre de Goya, très diversifiée et abondante, paraît se métamorphoser sous nos yeux, changer du tout au tout : qu’y a-t-il de commun, en effet, entre les gracieux cartons de tapisserie des années 1780 et les fameuses Peintures noires de la fin ?

Révolution et brisure

On a coutume de placer le tournant décisif autour de 1792. Cette année-là, une très grave maladie manque de le tuer, l’oblige à une longue convalescence et le laisse définitivement sourd. Le maelström des événements politiques n’est sans doute pas étranger non plus à cette brisure. La Révolution française a de graves répercussions en Espagne ; les Ilustrados, représentants espagnols des Lumières, qui partagent les idéaux des philosophes français et dont Goya est l’ami, sont pourchassés : les ministres Floridablanca, Cabarrus, Jovellanos, Ceán Bermúdez, Saavedra, tous protecteurs du peintre, connaissent la prison ou l’exil.

Francisco de Goya, Autoportrait, vers 1815, huile sur toile, 46 x 35 cm, Madrid, musée national du Prado

Francisco de Goya, Autoportrait, vers 1815, huile sur toile, 46 x 35 cm, Madrid, musée national du Prado

La maladie restée mystérieuse de Goya pourrait bien aussi s’interpréter comme le symptôme d’un malaise dû à cet écartèlement : il partage les idéaux des Lumières et de la Révolution mais en même temps, il est Peintre de la Chambre du roi (Pintor de Camera), membre de l’Académie, engagé dans une carrière intrinsèquement liée au système monarchique, dont il a laborieusement gravi un à un tous les échelons et dont il ambitionne encore d’atteindre le sommet. Jusqu’où cet écart est-il tenable ?

Francisco de Goya, Intérieur de prison, 1793-1794, huile sur fer-blanc, 42,9 x 31,7 cm, comté de Durham, Bowes Museum.

Francisco de Goya, Intérieur de prison, 1793-1794, huile sur fer-blanc, 42,9 x 31,7 cm, comté de Durham, Bowes Museum.

Toujours est-il qu’au terme d’une longue convalescence effectuée à Cadix chez son ami Sebastiàn Martinez, Goya n’est plus le même artiste. En 1794, il envoie à l’Académie une série de onze tableaux de cabinet où, écrit-il, il a laissé libre cours « au caprice et à l’invention ». Ce sont, entre autres, des scènes d’incendie, de naufrage, de prison et d’asile de fous, qui ont le caractère réaliste de choses vues et la tonalité visionnaire et angoissée de choses fantasmées. Puis ce sera la longue suite gravée des Caprices, publiée en 1799, premier grand opus typiquement goyesque.

Peintre de cour

Il y aurait donc un Goya d’avant, peintre d’Ancien Régime, et un Goya d’après, plus affranchi de la commande et s’abandonnant à son génie propre. Du moins est-ce ainsi que la carrière du peintre est habituellement présentée. Né près de Saragosse d’un père artisan doreur et d’une mère issue de la petite noblesse campagnarde, Francisco Goya fait son apprentissage chez un maître local, José Luzán, puis échoue plusieurs fois au concours d’entrée de l’Académie de San Fernando, à Madrid. Goya n’a pas un talent précoce.

Francisco de Goya, La Sainte Famille avec saint Joaquim et sainte Anne devant l’Éternelle Gloire, 1769, Collection Marquis de las Palmas, Jerez de la Frontera

Francisco de Goya, La Sainte Famille avec saint Joaquim et sainte Anne devant l’Éternelle Gloire, 1769, Collection Marquis de las Palmas, Jerez de la Frontera

Ressemble-t-il alors au « petit gros » imaginé par l’écrivain Pierre Michon (dans Maîtres et serviteurs), est-il ce provincial mal dégrossi ébloui tant par les splendeurs picturales déployées par les Tiepolo dans les palais madrilènes que par les fastes de la haute société et la beauté altière d’inaccessibles grandes dames ? Ébloui et envahi par l’ambition d’y arriver lui aussi, de pénétrer ces cercles très fermés, de devenir le peintre des grands de ce monde, d’approcher ses belles dames… On le croirait, au vu de tel Autoportrait de 1771, débordant d’arrogante santé, d’inébranlable certitude. Au vu, aussi, du déroulement méthodique de sa carrière.

Francisco de Goya, Hannibal vainqueur contemple pour la première fois l'Italie depuis les Alpes, 1770, Fondation Selgas-Fagalde, Cudillero

Francisco de Goya, Hannibal vainqueur contemple pour la première fois l’Italie depuis les Alpes, 1770, Fondation Selgas-Fagalde, Cudillero

Il effectue l’indispensable voyage d’études en Italie, au retour duquel il obtient ses premières commandes pour les églises de Saragosse et la noblesse aragonaise. Son mariage avec Maria Josefa Bayeu, soeur des frères Bayeu, peintres aragonais bien introduits à Madrid et liés au très influent Anton Raphael Mengs, va conforter sa position et servir sa carrière. Grâce à la protection de Francisco Bayeu, il entre à la Manufacture royale de tapisserie où, pendant une quinzaine d’années, il peindra de nombreux cartons, cette activité lui assurant un revenu régulier et lui mettant le pied à l’étrier.

Francisco de Goya, Le Parasol, 1777, Musée du Prado, Madrid

Francisco de Goya, L’Ombrellel, 1777, Musée du Prado, Madrid

Destinées à orner les palais de la famille royale, ces tapisseries présentent des thèmes plaisants, scènes populaires comme la Promenade en Andalousie qui met en scène majos et majas, divertissements, coutumes nationales… Mais le succès passe par la reconnaissance de l’Académie. Goya y est admis en 1780 ; quinze ans après, il remplacera Francisco Bayeu à la tête de l’auguste institution. Parallèlement, il est devenu le principal portraitiste de l’aristocratie espagnole, s’est constitué de solides appuis auprès des ducs d’Osuna et de Medinaceli et du banquier Cabarrus.

Francisco de Goya, Portrait de la famille de Charles V, 1800, musée du Prado, Madrid

Francisco de Goya, Portrait de la famille de Charles V, 1800, musée du Prado, Madrid

Une éblouissante liberté

Il sera nommé Premier peintre de la Chambre du roi en 1799. La Famille de Charles IV, grand portrait collectif peint en 1800, marque l’apogée de cette carrière officielle. Goya rivalise là avec les Ménines de Vélasquez (un de ses trois maîtres, avec Rembrandt et la nature, aurait-il déclaré). Il a mûri les leçons de son aîné, parvenant lui-même à une picturalité débridée, hardie, ensorcelante, plus drue cependant, plus plébéienne que l’aristocratique virtuosité du maître sévillan. Il affirme aussi son indépendance artistique par la lucidité impitoyable du regard qu’il porte sur ses modèles : ceux-ci sont déformés par leurs tares, au point de paraître des caricatures.

Francisco de Goya, Maja desnuda, 1800-1803, Madrid, musée du Prado

Francisco de Goya, Maja desnuda, 1800-1803, Madrid, musée du Prado

Peu avant, en 1798, il a terminé son grand œuvre religieux, les fresques de l’église San Antonio de la Florida, où il rivalise avec Tiepolo, mais dans une tonalité réaliste et populaire qui lui est propre. C’est aussi l’époque de sa liaison présumée avec la duchesse d’Albe, et des deux Majas, la vêtue et la nue, dont l’érotisme franc et l’adresse directe au spectateur hanteront Manet.
Durant ces années 1790, Goya atteint le sommet de sa carrière et de son art. C’est aussi, on l’a vu, la décennie de la grande rupture occasionnée par la maladie, à partir de laquelle sa peinture à la fois gagne en éblouissante liberté et commence à s’orienter vers des thèmes dramatiques, lugubres ou fantastiques : tauromachies, brigands et assassins, fous, cannibales, diables et sorcières

Francisco de Goya, Le Vol des sorcières, 1798, huile sur toile, 43,5 x 30,5 cm, Musée du Prado, Madrid

Francisco de Goya, Le Vol des sorcières, 1798, huile sur toile, 43,5 x 30,5 cm, Musée du Prado, Madrid

La gravure, dont il était familier, ayant gravé à l’eau-forte une grande partie de l’œuvre de Vélasquez, l’occupe toujours davantage et les grandes séries qui se succèdent – Les Caprices, Les Désastres de la guerre, La Tauromachie, Les Disparates (aussi appelés Proverbes) – constituent une œuvre dans l’œuvre, un formidable monument d’une effrayante et fascinante noirceur et, sans doute, par les thèmes comme par la radicale économie des moyens (opposée au merveilleux chatoiement de la peinture), la part la plus absolue du génie goyesque.

Francisco de Goya, « Tant et plus », Les Désastres de la guerre, planche n° 22, 1810-1820, deuxième édition (1892), eau-forte, aquatinte et pointe sèche, 38,5 x 48,5 cm, collection privée.

Francisco de Goya, « Tant et plus », Les Désastres de la guerre, planche n° 22, 1810-1820, deuxième édition (1892), eau-forte, aquatinte et pointe sèche, 38,5 x 48,5 cm, collection privée.

Les Désastres sont l’évocation,mi-réaliste mi-fantasmée, des atrocités commises pendant l’invasion et l’occupation de l’Espagne par les troupes napoléoniennes, à partir de 1808. Pour la première fois dans l’art occidental, la cruauté et l’horreur des actions humaines sont montrées sous l’éclairage le plus direct, sans la moindre transposition sur le mode héroïque ou poétique. Deux grandes toiles, La Charge des Mameluks, le 2 mai 1808 et Les Fusillades, le 3 mai 1808, commémoreront aussi ces tragiques événements. La seconde deviendra une des icônes majeures de la peinture occidentale et le symbole universellement admiré du martyre des peuples opprimés.

Francisco de Goya, Tres de Mayo ou La Fusillade, 1814, musée du Prado, Madrid

Francisco de Goya, Tres de Mayo ou La Fusillade, 1814, musée du Prado, Madrid

Voyage au bout de la nuit

Après le départ des Français, le retour de Ferdinand VII sur le trône d’Espagne s’accompagne d’une grande vague de répression contre les Libéraux. Goya, désormais âgé, sourd, s’éloigne de la cour et de l’Académie, gagné par un pessimisme amer, que son art transcende en visions fantastiques. En 1819, il s’installe dans une nouvelle demeure à l’extérieur de Madrid, la Quinta del Sordo (la maison du Sourd), dont il décore les murs d’extraordinaires Peintures noires : visions désespérées d’une humanité irrémédiablement vouée à l’ignorance et à la superstition, à la violence aveugle et au mal, peintes dans un style aux déformations effroyables, expressionniste un siècle avant la lettre.

Francisco de Goya, La Laitière de Bordeaux, 1827, musée du Prado

Francisco de Goya, La Laitière de Bordeaux, 1827, musée du Prado

La restauration de l’absolutisme en 1823 lui fait craindre pour sa liberté. Sous le prétexte d’aller faire une cure à Plombières, il s’exile à Bordeaux, où il passe les quatre dernières années de son existence, accompagné de la jeune Leocadia Zorilla, entrée dans sa vie après la mort de son épouse. À plus de 80 ans, Goya n’a rien perdu de ses capacités artistiques et il continue d’expérimenter. D’ultimes chefs-d’œuvre, comme les quatre lithographies de tauromachies, les petites peintures sur ivoire ou encore la toile radieuse, pré-impressionniste dite La Laitière de Bordeaux témoignent de cette créativité intacte et de la puissance d’un art qui rayonne loin devant lui. Parce qu’il prend acte de la réalité, y compris la plus noire, de la façon la plus directe, et parce qu’il plonge dans les abîmes de l’âme humaine dont il révèle la part d’irrationnel et de folie, l’art de Goya semble en effet éclairer tout le siècle à venir et anticiper sur les grands courants de la modernité.

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