Réalisée sur le mur d'une boîte de nuit à Barcelone en 1989 par Keith Haring, une peinture tombée dans l'oubli risque à présent de disparaître. Après avoir accueilli une salle de billard, l'édifice qui l'abrite va bientôt être détruit pour devenir une maison de retraite.
Si la copie de la peinture Todos juntos podemos parar el sida située à proximité du Macba, musée d’art contemporain de Barcelone (Espagne), est bien connue des aficionados de Keith Haring (1958-1990), rares sont celles et ceux qui connaissent l’œuvre qu’il a réalisée en février 1989 dans la boîte de nuit Ars Studio. Et pourtant. Depuis 32 ans, celle-ci n’a pas bougé, malgré la fermeture de la discothèque en 1992. Aujourd’hui, ce sont les billardistes barcelonais qui en profitent le plus, mais peut-être plus pour très longtemps. Depuis que les propriétaires actuels prévoient de démolir l’édifice pour construire une maison de retraite, la mystérieuse peinture rouge de Keith Haring a un avenir plus qu’incertain.
Une peinture du monde de la nuit de la fin des années 1980
Quelques mois avant la mort du Street Artiste new-yorkais, celui-ci se voyage à Barcelone en 1989, invité par Montse Guillen, chef d’El Internacional, un restaurant espagnol de New York fréquenté par des artistes tels qu’Andy Warhol ou Grace Jones. Un soir de février, il se rend dans la boîte de nuit Ars Studio et rencontre le DJ Cesar de Melero. Le lendemain, ce dernier accompagne Keith Haring dans le quartier du Raval pour peindre une grande peinture sur un bâtiment menacé de destruction. Il réalise ainsi l’œuvre aux lignes rouges qui représente un serpent dévorant tout sur son passage, accompagné du slogan écrit en espagnol « Ensemble, nous pouvons arrêter le sida ». Seule la copie de l’œuvre conservée près du Macba est parvenue intacte jusqu’à nous. Le soir suivant, le Michel-Ange du métro de New York retourne dans la discothèque et crée dans la cabine du DJ, avec la même peinture rouge, un personnage qui semble danser au rythme de la musique. « Sa tête est une fleur, ce qui est une référence au flower power des hippies, et le ‘A’ fait allusion au ‘acid house’ (genre de musique électronique dérivé de la house, ndlr) », explique Cesar de Melero au journal The Guardian.
Une œuvre estimée à 80 000 euros
Devenu le logo de la salle de billard qui l’abrite, l’œuvre pourrait bel et bien changer de domicile. Estimée 80 000 euros d’après le directeur des lieux Gabriel Carral, l’œuvre pourrait bien être donnée à la Fondation Keith Haring, qui serait prête à l’extraire elle-même du bâtiment pour la préserver, ou vendue à un collectionneur, à l’instar des murs d’une cage d’escalier ornés d’une fresque de l’artiste mis aux enchères en 2019 par Bonhams à New York. Un deuxième cas de figure qui irait à l’encontre du message d’« un art pour tous », que Keith Haring développait dans les stations de métro, sur les façades des bâtiments, sur des paires de chaussures et même sur des corps, pour le rendre accessible au plus grand nombre. Pour Cesar de Melero, l’œuvre devrait tout simplement rester sur place : « D’abord elle a été dans une boîte de nuit, ensuite dans une salle de billard et maintenant dans une maison de retraite. Pourquoi pas ? »
De son côté, la ville catalane tente tant bien que mal de préserver l’œuvre d’art « Nous avons garanti la protection de la fresque dans le cadre du plan d’urbanisme, et nous avons demandé au gouvernement catalan (la Generalitat) de la déclarer comme faisant partie de notre patrimoine culturel », révèle un porte-parole du conseil municipal de Barcelone au Guardian. Il ne reste plus qu’à espérer que la peinture, empreinte artistique du monde de la nuit de la fin des années 1980, ne quitte pas son mur, pour le plus grand plaisir des futurs résidents de la maison de retraite, ou bien qu’elle rejoigne les collections d’un musée (le Macba ?) pour être accessible à tous.
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