Très attendues, les annonces faites par Emmanuel Macron pour soutenir la culture ont soulagé les professionnels du secteur, notamment sur la question des intermittents, mais de nombreuses inquiétudes demeurent pour l'après-crise.
Un "soulagement extrême". Telle est la première réaction d'Aurélie Foucher, déléguée générale de Profedim (syndicat des producteurs, des festivals, ensembles, et des diffuseurs indépendants), après les annonces d'Emmanuel Macron ce mercredi 6 mai. Après s'être entretenu avec 12 artistes provenant de différents champs de la création, le Président a présenté différentes mesures pour venir en aide au secteur de la culture, l'un des plus touchés par les conséquences de l'épidémie de coronavirus.
Soulagement pour les intermittents du spectacle qui se plaignaient d'être jusqu'à présent les oubliés des mesures de soutien économique. Leurs droits aux allocation chômage seront prolongés jusqu'à la fin du mois d'août 2021. Dans l'impossibilité de travailler depuis le confinement, les artistes et techniciens relevant de ce statut faisaient valoir leur incapacité à cotiser les fameuses 507 heures nécessaires à l'ouverture des droits. "C'est un immense soulagement, déjà pour les intermittents et leurs situations personnelles, mais aussi pour l'ensemble du secteur" s'exprime Aurélie Foucher, rappelant que la bonne santé des uns ne va pas sans celle des autres.
Soulagement aussi du côté de la Fevis (fédération des ensembles vocaux et instrumentaux spécialisés). "La mobilisation a payé, estime Louis Presset, le délégué général. L'Etat a fini par nous écouter. Il l'avait déjà fait pour les mesures d'activité partielle mais elles ne fonctionnent réellement que depuis quelques jours". Un soulagement pour les intermittents du spectacle mais qui ne résout pas tout. "Nous ne connaissons pas les modalités techniques d'application de cette année blanche. Et que va t-il se passer pour les musiciens qui ne sont pas intermittents, les auteurs-compositeurs ? On ne sait pas encore" regrette-t-il.
Pour Philippe Gautier, secrétaire général du Snam-CGT qui représente les artistes musiciens, la mise en place d'une "année blanche" pour les intermittents est évidemment une bonne nouvelle. Mais il s'interroge sur la date de prolongation : fin août 2021. "Cela implique que les activités puissent reprendre en septembre 2020, ce dont on peut douter". Le syndicaliste redoute que la période d'activité ne soit trop courte pour que les artistes et techniciens puissent recharger leurs droits par la suite.
À Lire AussiPhilippe Gautier regrette également que la question des nouveaux entrants dans le système de l'intermittence soit écartée. Pour Aurélie Foucher, il y a trop d'oubliés dans les mesures annoncées par le chef de l'Etat. "Les professeurs, les indépendants, les auteurs-compositeurs, les solistes et les chefs d'orchestre, des musiciens qui se produisent beaucoup à l'international, etc. rien n'a été annoncé pour eux. Il y a eu un beau moment de ferveur autour de la question des intermittents et je souhaite que cela puisse continuer pour soutenir ceux qui sont toujours sans solution" espère-t-elle.
C'était justement l'inquiétude relayée par cette tribune publiée sur France Musique. Près de 500 musiciens l'ont signé pour alerter sur leur situation. Pour François Kieffer, violoncelliste du Quatuor Modigliani, "les mesures vont dans le bon sens pour les intermittents. Mais pour beaucoup de musiciens chambristes et solistes qui n'ont pas le statut, c'est flou. A l'heure actuelle, je ne connais aucun musicien qui ait pu bénéficier du chômage partiel".
Depuis le début de l'épidémie, le Quatuor Modigliani en est à une quarantaine de concerts annulés. La plupart de ceux qui devaient avoir lieu à l'étranger n'ont pas donné lieu à une rémunération ou indemnisation. "Il faudrait peut-être réfléchir à la création d'un statut d'artiste qui engloberait toutes ces spécificités", estime-t-il.
"Nous aurions aimé être entendus et reçus par le ministère de la Culture. Nous sommes les représentants d'une certaine "exception culturelle française" et nous faisons rayonner aussi notre savoir-faire à l'étranger" regrette le violoncelliste. François Kieffer dresse également la liste des acteurs culturels toujours sans réponse actuellement, les petits festivals, les agents d'artiste, les luthiers, accordeurs de piano, etc.
À Lire AussiLes musiciens intermittents dans les écoles ?
C'est l'autre mesure qui intrigue, le Président a fait part de sa volonté que les artistes intermittents s'investissent massivement dans les écoles pour faire de l'éducation artistique. "Les artistes n'ont pas attendu le mot d'ordre du chef de l'Etat pour aller dans les écoles" rappelle Louis Presset. "C'est encore très flou sur la façon dont cela devrait s'organiser. L'Education nationale a jusqu'à présent peu de fonds pour financer ce genre d'activités".
"Cela fait 30 ans que l'éducation artistique a été développée en France, rappelle Aurélie Foucher. Il y a notamment les dumistes dont c'est le métier". La déléguée générale redoute que cette volonté d'Emmanuel Macron ne s'apparente plutôt à de la garde d'enfants. "Le chef de l'Etat n'a pas parlé de la création, c'est pourtant ce qui est le plus vital. Il n'y a pas une ambition de financer véritablement la création. Qu'est-ce qu'un artiste va pouvoir transmettre aux enfants s'il n'a pas le financement et le temps nécessaire de penser à la création ? ".
Pour Philippe Gautier du Snam-CGT, il ne s'agit pas de "réinventer l'eau tiède". "Il y a tellement de musiciens qui n'arrivent pas à travailler en temps normal donc il va falloir qu'on nous explique comment on va leur en trouver maintenant".
À Lire AussiTous espèrent que seront précisées prochainement les modalités des embauches des intermittents à l'école. Précisions attendues également sur la dotation du budget du Centre national de la musique à hauteur de 50 millions d'euros. On ignore encore d'où proviendront les fonds. Philippe Gautier estime qu'il serait logique que les "opérateurs numériques contribuent, ce qui n'est pas le cas pour l'instant".
Louis Presset de la Fevis espère que ce nouveau budget permettra de mettre en places des aides pour les structures, "pas seulement pour celles qui ont des problèmes de trésorerie mais aussi pour les pertes sèches". Un manque de clarté générale que constate le délégué général. "Le secteur a besoin de simplification. Tout est très complexe en ce moment, notamment les règles de l'activité partielle. On a mis un mois et demi à comprendre les clés du mécanisme".
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