Lever de rideau sur un « nouveau » Vermeer à la Gemäldegalerie Alte Meister de Dresde ! L'institution vient de dévoiler la première image du tableau restauré « La Liseuse à la fenêtre », dont un repeint dissimulait depuis le XVIIIe siècle une mystérieuse figure du dieu de l'amour, Cupidon.
Les chefs-d’œuvre ont des secrets que les musées s’emploient à mettre au jour. L’expression s’applique tout particulièrement au cas de la Liseuse à la fenêtre, une huile sur toile réalisée par Johannes Vermeer (1632-1675) vers 1657 à laquelle la Gemäldegalerie Alte Meister de Dresde, où elle est conservée depuis le XVIIIe siècle, a consacré une campagne de restauration aux résultats pour le moins spectaculaires. Une première série d’analyses, menées en 2017, avait révélé la présence d’un Cupidon, à l’arrière-plan du tableau, dissimulée sous une couche de repeint. Après avoir déterminé qu’il ne s’agissait pas là d’une volonté de l’artiste, l’institution a confié à ses restaurateurs le soin de dégager cette figure juvénile de l’amour afin de restituer la composition originale de l’œuvre. La première image du tableau restauré vient d’être dévoilée par le musée et l’œuvre sera révélée au grand public le 10 septembre dans l’exposition « Johannes Vermeer. On Reflection », dont elle constituera la pièce centrale.
Repentir ou repeint posthume ?
La présence sous-jacente du personnage était connue depuis 1979, date à laquelle une radiographie avait permis de révéler que l’arrière-plan de l’œuvre comprenait originellement la représentation d’un tableau figurant un cupidon nu. Les spécialistes avaient alors émis l’hypothèse que le repeint avait été réalisé par Vermeer lui-même qui aurait ainsi souhaité modifier radicalement la composition de son œuvre, le tableau à sujet mythologique laissant ainsi la liseuse à son espace de solitude.
En 2017, la Gemäldegalerie a entrepris une importante série d’analyses scientifiques (réflectographie par rayons X, infrarouge, examens microscopiques), en parallèle de nouvelles recherches menées sur l’histoire de l’œuvre et de sa restauration. Un examen effectué avec la fluorescence X sur l’ensemble de la composition, et réalisé en partenariat avec le Rijksmuseum d’Amsterdam, a permis de démontrer que le repeint avait en réalité été réalisé au XVIIIe siècle, plusieurs dizaines d’années après la mort de Vermeer. Il a en outre été établi que le tableau était déjà modifié lors de son acquisition à Paris en 1742 pour le prince-électeur de Saxe Auguste II (1694-1733). Selon Uta Neidhardt, conservatrice en chef et commissaire de l’exposition, les repeints ne sont pas rares aux XVIIIe siècle et plusieurs tableaux de Vermeer ont connu un sort similaire.
S’appuyant sur l’avis d’une commission d’experts, la Staatliche Kunstsammlungen Dresden (la SKD, qui regroupe une dizaine de musées et institutions culturelles, parmi lesquelles la Gemäldegalerie) a pris la décision, en 2018, de lancer une nouvelle campagne de restauration afin de dégager le Cupidon. Réalisée au scalpel sous microscope, l’intervention n’a pu être achevée qu’au début de l’année 2021 et permet aujourd’hui de redécouvrir le dessein originel de Vermeer.
Cherche et trouve Cupidon
Comme l’on pouvait s’y atteindre, la suppression du repeint modifie radicalement la composition de l’œuvre et invite à renouveler son interprétation. De fait, en lieu et place d’un vaste aplat de couleur neutre qui redirigeait le regard vers la liseuse à sa fenêtre, se tient dorénavant l’imposante figure du dieu de l’Amour, nu et triomphant, dont la présence rivalise avec celle de la jeune femme et emplit l’espace du tableau. Muni d’un arc et de flèches, ses attributs traditionnels, Cupidon foule aux pieds deux masques de théâtre, un geste qui symbolise le triomphe de l’amour sincère sur la tromperie et l’hypocrisie.
Un tableau similaire apparaît dans une autre toile de Vermeer, Une dame debout au virginal (vers 1670-1672), conservé à la National Gallery de Londres. Pour certains spécialistes, il pourrait s’agir de la représentation d’une toile qu’aurait possédé Vermeer lui-même, comme en témoigne un inventaire après décès (1676) qui mentionne la présence dans les biens de son épouse d’un « Cupidon ». Deux autres toiles attribuées à l’artiste, Une jeune fille assoupie (1657, Metropolitan Museum of Art de New York) et La Leçon de musique interrompue (1658-1659, Frick Collection, New York) pourraient également faire référence à cette toile aujourd’hui disparue.
Un nouveau Vermeer
Cette représentation de Cupidon, véritable « peinture dans la peinture », vient puissamment éclairer l’intention de Vermeer dans la Liseuse à la fenêtre : révéler la nature du véritable l’amour. Pour Stephan Koja, directeur de la Gemäldegalerie, Cupidon est ici une image « non pas du désir, mais de la loyauté et de la sincérité qui constituent l’essence même de l’amour ». Il permet au spectateur d’explorer enfin l’intériorité et la psychologie de la jeune femme, jusque-là inaccessibles et volontairement édulcorées par l’auteur du repeint. Cette réinterprétation de la Liseuse à la fenêtre, l’une des premières scènes d’intérieur du maître de Delft, incite à considérer le tableau comme un véritable « nouveau » Vermeer et donc à le replacer autrement dans l’œuvre de l’artiste. L’exposition de la Gemäldegalerie réunira ainsi, du 10 septembre prochain au 2 janvier 2022, autour de ce chef-d’oeuvre de jeunesse de l’artiste 10 des 35 tableaux qui lui sont aujourd’hui attribués.
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