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Le paysage réinventé de Turner, maître de la couleur

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Le paysage réinventé de Turner, maître de la couleur J. M. W. Turner, Fort Vimieux, 1831, huile sur toile, 71.1 cm x 106.7 cm, collection privée © Wikimedia Commons / J. M. W. Turner

Le peintre britannique Turner était un personnage haut en couleur, éternel scrutateur des phénomènes naturels en Angleterre et sur le Continent. Retour sur ses paysages forts en sensations.

L’écrivain s’appuie sur les mots, le peintre sur les sensations. Elles sont le socle de son vocabulaire, le tremplin de son émotion, l’instrument fugace d’un dialogue entre l’homme et le monde, entre un œil et une œuvre. Pour les traduire, Turner les explore. Quand un train prend de la vitesse, il se penche par la fenêtre. Si l’orage gronde sur la colline, il s’élance à son sommet. Qu’un bateau s’agite dans la houle, il demande qu’on l’attache à son mât. Vécu ou légendaire, l’événement imprimera sa perception sensible dans Pluie, vapeur et vitesse (1844) ou encore Tempête au large de Margate. Beethovénien voire wagnérien, le paysagiste est animé d’une insatiable curiosité. Elle est de tous ses voyages, de toutes ses découvertes. Ainsi, au fil de vingt-cinq mille aquarelles, plus de trois cents peintures et quelques centaines de carnets de notes et de croquis, Turner éprouve, expérimente et capte matières, couleurs et ombres, dans le mouvement, l’énergie, la fulgurance des sensations qu’elles procurent.

J. M. W. Turner, Pluie, Vapeur et Vitesse, 1844, huile sur toile, 91 cm x 121,8 cm, National Gallery © Wikimedia Commons/National Gallery, London

L’inlassable voyageur

Le goût de l’ailleurs flotte dans les ports. Turner le sait car il est né, en 1775, au bord de la Tamise. Enfant, il observe le flux de l’eau, le bal des navires et la vie qui en émane. Ici commence son expérience du paysage. Son apprentissage se poursuit, adolescent, auprès d’architectes pour lesquels il exécute des relevés topographiques. Les volumes et accidents du terrain, les bâtiments qui les épousent, les rythment ou les contredisent entrent dans son approche globale du dessin et sa pratique peu académique. De là s’amorce un jeu continu entre l’ouvrage humain et le paysage, entre culture et nature, qui fondera sa recherche picturale. L’aquarelle souple, légère et furtive est son alliée. À la conquête de son destin de peintre, il part s’imprégner sur le vif – bien avant les impressionnistes – dans les comtés d’Angleterre et les campagnes d’Écosse. Puis, lorsque le traité d’Amiens rouvre les frontières, en 1802, Turner étend sa soif de paysages à l’Europe entière. Diligences, trains, bateaux l’emmèneront au cours de sa vie dans une vingtaine de périples, de France en Suisse, du Danemark aux plaines des Flandres, d’Italie en Autriche… En inlassable arpenteur, il suit les cours de la Loire, du Rhin, du Danube, marche le long des canaux vénitiens et gravit les cols des montagnes, tout en s’ouvrant à Londres une brillante carrière officielle au sein de la Royal Academy of Arts.

Désapprendre et reconstruire

Tant de pérégrinations ont pour but de confronter son œil et sa main à l’histoire, l’interprétation et la réalité du paysage. Au Louvre comme à Venise, il copie maîtres anciens et coloristes tels Le Lorrain, Nicolas Poussin, Raphaël, Rembrandt ou Titien. Attentif mais défiant, Turner analyse leur virtuosité, recompose leurs paysages pour mieux se les approprier et dépasse les leçons du passé pour trouver l’essence et le sens d’une représentation nouvelle. En découvrant l’Italie en 1819, l’artiste quarantenaire acquiert la maîtrise d’une matière picturale qu’il déclinera jusqu’à la fin de sa carrière. Mais pour lui, appartenir au XIXe siècle et au progrès qu’il incarne impose une conception de la nature radicale et vivante. Si le genre est minoré par l’académie, l’artiste entend le hisser – comme lui-même – au sommet de la hiérarchie : à l’égal de la peinture d’histoire. Le paysage devient donc le lieu de toutes les rencontres.

Sur la toile, nature et existence sont traversées de forces contraires qui s’opposent autant qu’elles s’unissent. La puissance des éléments en sublime la beauté, en souligne la symbolique et peut-être la dimension divine. La théorie (notamment le Traité des couleurs de Goethe) y est mise en pratique et en question. Dès lors hybridations, métamorphoses et rapprochements métaphoriques deviennent systématiques. À la vraisemblance topographique, Turner instille un pittoresque historique. Un simple orage, au manoir de Farnley en 1810, devient Hannibal traversant les Alpes. Évitant l’anecdote, le peintre combine histoire et mythologie. Obsessions, références et recherches sont couchées d’aquarelles en toiles.

J. M. W. Turner, Hannibal traversant les Alpes, 1810-1812, huile sur toile, 144,7 x 236 cm, Tate Britain © Wikimedia Commons/The Yorck Project (2002) 10.000 Meisterwerke der Malerei (DVD-ROM), distributed by DIRECTMEDIA Publishing GmbH

Une peinture sensorielle

À l’image des panoramas qu’il campe, chargés de mémoire, d’instants fulgurants, fondant apparition et dissolution des formes dans un mouvement sans fin, le peintre est un être duel. À la fois témoin et narrateur, il reprend, dès l’été 1815, le ciel d’hiver que l’éruption du volcan Tambora, en Indonésie, a déversé sur la planète. Lord Byron en écrit un poème. Turner le peint dans Didon construisant Carthage et Le Canal de Chichester, éternisant ainsi des rougeoiements surnaturels. Claude Monet, admiratif de sa connaissance des effets optiques et émotifs de la couleur, aurait dit de lui qu’il savait « peindre les yeux ouverts ». Vers 1805, à Isleworth où il a loué une maison près de la Tamise, Turner peint en plein air dans l’équilibre instable d’une barque, ancêtre des bateaux-ateliers de Monet et Renoir. Bien avant eux, il expérimente également les jeux de lumière sur l’eau et accentue l’instantanéité de son expérience sensorielle en appliquant une seconde couche de gouache avant que la première ne sèche. L’effet semble tenir de l’improvisation, pourtant la maîtrise du peintre est entière. De l’aquarelle, Turner importera dans ses toiles une luminosité obtenue en appliquant en sous-couche un apprêt blanc, rompant ce faisant avec une tradition multiséculaire. La fusion des genres et des techniques avec sa vision du monde est au coeur de sa quête. C’est pourquoi la figure, affranchie de détails, vient se fondre dans le paysage, au point d’oublier lignes et formes pour ne servir que les vibrations de la couleur. Turner cherche-t-il à percer les mystères de la nature pour permettre à l’homme d’y trouver sa place ? Ou sublime-t-il la Terre pour rendre l’homme tout petit ?

J. M. W. Turner, Didon construisant Carthage, 1815, huile sur toile © Wikimedia Commons/The Athenaeum

De l’histoire à la légende

Pourtant le personnage n’a rien d’un homme humble. Son ami le peintre George Jones inscrit sur le cadre d’un de ses tableaux une mention empruntée à Horace : Splendide mendax. Ce « menteur magnifique » c’est lui, illusionniste dans son art, affabulateur dans la vie. Sa date et son lieu de naissance varient selon ses interlocuteurs, ses ateliers restent secrets et ses amours – s’il en a bien eu – demeurent mystérieuses. À partir de 1846, établi incognito l’été à Margate, village côtier du Kent où il se rend depuis 1820, et à Chelsea le reste de l’année dans un atelier lumineux, il semble qu’il partage la vie de sa gouvernante et lui emprunte son nom, se faisant appeler Amiral Booth. Et, pour ne jamais être suivi, n’hésite pas à multiplier les calèches. Souvent jugé excentrique et bourru, ce fils de barbier au destin exceptionnel garde ses jardins secrets. Ambitieux, il sait ménager ses surprises – on raconte qu’il vernit ses toiles en direct, dans un happening avant l’heure, le soir même de l’inauguration de l’exposition, ajoutant parfois un petit point rouge final pour attirer l’œil du public, éclairer et déterminer toute la composition. Avisé en affaires, il ouvre en 1803 sa propre galerie, à l’instar de son maître Reynolds, dans son domicile de Harley Street ; il y expose ses invendus dont il tire des gravures qui, diffusées dans un monde occidental en pleine expansion, entretiennent sa renommée internationale.

Enfin, malgré son élocution difficile, Turner met sa pratique, sa théorie et son expérience au service d’un cours de perspective dispensé à la Royal Academy of Arts de Londres. Tous les moyens à sa portée sont ainsi utilisés pour montrer et démontrer la force du paysage et sa place au sommet de la pyramide des genres picturaux. Pourquoi tant d’obstination ? Jusqu’à sa mort, en 1851, Turner a cherché. Par le flou, l’indisctinctness anglo-saxon, le maître réfute avec toujours plus d’emphase la ligne nette et stable, pour imposer la vibration de la couleur comme gage de vérité. Ses vortex et effets de tourbillon unissant l’horizon plat aux vertiges des vagues ou des montagnes semblent évoquer le chaos originel ou la menace du temps, dans toutes ses acceptions. Verrait-il dans son époque une folie accélérant – progrès à l’appui – des rythmes et modes de vie détachés de la nature et de l’essentiel ? Deux de ses tableaux semblent l’annoncer : Champ de bataille de Waterloo (1818) et Le Téméraire, remorqué à son dernier mouillage (1838) mettent en scène l’histoire d’un monde qui n’est plus, dans un paysage désolé. Peindre reviendrait alors à inventer une manière nouvelle, ce à quoi Turner s’est appliqué durant toute son existence, mais en repartant de l’unique, de l’intime et de l’universel : la sensation de la vie.

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