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Le Chevalier à la Rose de Richard Strauss, l’apologie du temps qui passe

Avec Le Chevalier à la Rose, Richard Strauss change radicalement de cap musical. L’expressionisme et la modernité de Salomé et d’Elektra sont oubliés, au profit d’une “ comédie en musique” dans laquelle la valse est reine, et où résonne des échos mozartiens. Fruit d’une étroite et parfois conflictuelle collaboration entre Strauss et son librettiste Hofmannsthal, l’ouvrage a donné à l’opéra son personnage féminin le plus émouvant et le plus noble, celui de la Maréchale.

 

Les grandes lignes du Chevalier à la Rose sont élaborées au cours d’une promenade dans un parc de Weimar

Derrière le plus populaire des opéras de Richard Strauss, se cachent des ouvrages bien français. À commencer par une opérette de Claude Terrasse, L’ingénu libertin, ou la Marquise et le Marmiton, créée aux Bouffes Parisiens en décembre 1907, inspirée des Amours du chevalier de Faublas, roman de Jean-Baptiste Louvet de Couvray paru à la fin du XVIIIe, et, plus connue, la comédie-ballet de Molière Monsieur de Pourceaugnac. Ces trois ouvrages sont au centre d’une discussion que deux hommes ont, en février 1909 à Weimar, au cours d’une promenade dans le Tiefurt Park. L’un est un certain Harry von Kessler, homme de culture, à la fois diplomate, essayiste et mécène. L’autre est son protégé : Hugo von Hofmannsthal, dramaturge et librettiste du dernier opéra en date de Strauss, Elektra, créé quelques jours plus tôt à Dresde, à partir de sa pièce éponyme. Cette première collaboration entre Strauss et Hofmannsthal est un succès, et le compositeur pressent qu’avec son nouveau librettiste d’autres triomphes sont à venir. “Nous sommes nés l’un pour l’autre et accomplirons certainement ensemble de belles choses.” avait écrit Strauss, qui au soir de la première d’Elecktra se serait écrié : ”La prochaine fois, j’écris un opéra de Mozart !”Inventée ou réelle, cette petite phrase de Strauss montre la volonté d’écrire à présent une comédie, et guide Kessler et Hofmannsthal dans leur recherche d’un nouveau sujet. Le librettiste avait bien proposé Cristinas Heimreise, comédie justement, qu’il avait tirée d’Histoire de ma vie de Casanova, mais le compositeur s’était montré dubitatif. Au cours de cette promenade à Weimar, Kessler évoque avec enthousiasme, cet Ingénu libertin qu’il a vu à Paris. Il lui parle aussi bien sûr avec passion du roman de Louvet, dont sera tiré le rôle travesti d’Octavian, ainsi que ceux de Sophie et de la Maréchale. Il sort également de sa bibliothèque Monsieur de Pourceaugnac, qui donnera le personnage du baron Ochs. Une autre comédie de Molière est évoquée : Les Fourberies de Scapin, dont le Géronte deviendra Monsieur de Faninal.

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Le livret et la musique du Chevalier à la Rose sont ébauchés très rapidement

De retour dans sa résidence de Rodaun près de Vienne, Hofmannsthal rend compte à Strauss de son séjour à Weimar : « J’ai fait ici, en trois après-midi tranquilles, le canevas complet et entièrement original d’un « Spieloper », avec des situations et des figures au comique corsé, une action colorée et presque aussi claire qu’une pantomime, des possibilités pour le lyrisme, l’amusement et l’humour. L’époque : Vienne sous Marie-Thérèse ». Une autre lettre d’Hofmannsthal à Strauss, quelques mois plus tôt en octobre 1908, avait jeté les bases du travail à venir : « Ce qui profitera le plus au livret, c’est que les personnages portent, latente en eux-mêmes, leur caractérisation psychologique la plus fine, comme c’est déjà le cas pour des personnages comme Figaro, Suzanne, Chérubin. Hofmannsthal ne veut pas perdre de temps, et se lance dans l’écriture d’une première scène d’un livret qu’il intitule Ochs de Lerchenau. La première scène est aussitôt envoyée à Strauss qui se montre enthousiaste et répond par une métaphore culinaire : « Cela se composera comme huile et beurre fondu ». Tout s’enchaîne alors très vite. Strauss se met au travail au printemps 1909, alors qu’il n’a pas encore eu le schéma des actes II et III. “Mon travail coule comme la Loisach” écrit-il depuis sa villa de Garmisch-Partenkirchen, en faisant allusion à la rivière qui traverse la ville. Au passage il ne tarit pas d’éloges sur son librettiste, et lui dit tout le bien qu’il pense de lui : “ Vous êtes à vous seul Da Ponte et Scribe” lui écrit-il encore. Côté musique, Strauss puise à plusieurs sources, Les Noces de Figaro et Cosi fan tutte de Mozart qu’il chérissait. Mais aussi Les Maîtres chanteurs de Wagner, Falstaff de Verdi et La Chauve-Souris de Johann Strauss II. Il cite même une valse de Joseph Strauss ! Un anachronisme qui sera l’une des particularités de cet ouvrage, dont l’action est située à Vienne, vers 1740, époque où la valse était inconnue !

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L’écriture du Chevalier à la Rose a parfois entrainé des tensions entre Strauss et Hofmannsthal

À la fin du mois de mai 1909 le brouillon de l’Acte I est terminé, et Strauss le joue à Hofmannsthal. Mais les premières difficultés vont commencer à poindre. Elles concernent tout d’abord l’Acte II, comme en témoigne cette lettre de Strauss : “À la première lecture, je sentis une faille. C’était faible et mou, dénué du ton juste de l’opéra. Si l’acte II languit, l’opéra est fichu. » Dans une autre lettre il se fait plus précis : “N’oubliez- pas que le public doit rire. Rire et non pas seulement sourire ni se pincer les lèvres. Je sens encore le besoin dans notre travail d’une situation vraiment comique : tout est gai, mais pas vraiment comique ». Hofmannsthal prend acte des remarques, et modifie en conséquence le livret. Il en remercie d’ailleurs Strauss : « Je me rends compte que sous l’angle du théâtre, au moins la nouvelle version passe mieux que l’ancienne, et je vous suis donc reconnaissant de votre énergique intervention.” Hofmannsthal n’est toutefois pas en reste dans ce jeu de critiques, qui ne semble pas toujours être à fleurets mouchetés. Ainsi à propos du duo entre Octavian et Sophie à l’Acte II, “Mit ihren Augen voll Tränen”, Hofmannsthal recommande à Strauss « Une musique ample et prenante, tout en restant tendre ». Il se montre même très explicite : « Je voudrais surtout éviter que ces deux jeunes créatures, qui n’ont rien de walkyrien ni de tristanesque, soient obligés de brailler leurs épanchements érotiques à la Wagner.”

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La Maréchale est le personnage central auquel tous les autres se rattachent

L’acte II, avec ses échanges épistolaires, est écrit pendant l’automne 1909, puis en mai 1910 Strauss commence la composition de l’acte III, celui du célèbre et sublime trio des adieux, qui réunit La Maréchale, Octavian et Sophie. Là encore Strauss fait quelques remarques à son librettiste jugeant une partie de l’acte “trop épars, trop flou”. “L’entrée de la Maréchale, ainsi que la scène qui suit, doit constituer le point focal de l’action et de la tension, et être extraordinairement concentré. Une fois le baron et toute la tribu sortis, tout peut se fondre peu à peu en lyrisme et revenir à des lignes souples et molles” écrit Strauss à Hofmannsthal, qui de son côté demande au compositeur de réduire la dernière intervention de la Maréchale. Pour cela il invoque la caution de l’écrivain autrichien Felix Salten, qui sera quelques années plus tard le père littéraire du personnage de Bambi.

Trio « Hab mir’s gelobt » (la Maréchale : Renée Fleming , Sophie : Christine Schäfer, Octavian : Susan Graham)

 

Strauss ne se laisse pas impressionner, et envoie à Hofmannsthal une lettre assez cinglante : “Qu’à la lecture, cette fin ait paru trop longue à M. Salten, cela ne m’étonne pas ; mais ni lui ni vous, vous ne savez ce que je suis capable d’en faire en musique.” En dehors de ces points de discorde, vite résolus semble-t-il, Strauss et Hofmannsthal travaillent main dans la main. Ils s’accordent en particulier à faire de la Maréchale le pivot de l’histoire. “Elle est le personnage que le public, et notamment les femmes, ressent comme le personnage principal, celui qu’il suit, pour lequel il vibre.” écrit Hofmannsthal. C’est à la Maréchale que se rattachent les autres personnages. Elle est la maîtresse d’Octavian, la rivale de Sophie, l’influente parente du baron Ochs, et l’idéal social du riche marchand Faninal, récemment anobli. Et surtout, elle est très certainement l’un des plus beaux, des plus nobles, des plus élégants et plus émouvants personnages féminins de l’opéra, lointaine descendante de la Comtesse des Noces de Figaro. Elle exprime le temps qui passe inexorablement, comme Le Chevalier à la Rose exprime la fin d’un monde et d’un style de vie, dont Vienne représentait les derniers feux.

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L’opéra remporte un succès immédiat à Dresde et à Vienne

L’ouvrage est terminé le 26 septembre 1910. Strauss et Hofmannsthal lui ont donné son titre définitif : Le Chevalier à la Rose, mettant ainsi en avant la légende viennoise inventée par le librettiste, qui veut qu’une demande en mariage soit exprimée à travers une rose d’argent, portée par un chevalier à la jeune femme désirée. C’est la Maréchale qui proposera à son cousin Ochs son propre amant, Octavian, pour porter la rose à Sophie. Ce qui provoquera un coup de foudre entre les jeunes gens, mettant ainsi fin aux ambitions matrimoniales d’Ochs, et aux amours de la Maréchale qui se retirera avec noblesse. L’orchestration est particulièrement fournie, puisque Strauss a prévu 112 instruments, dont 19 pour la musique de scène de l’Acte III. La première a lieu le 26 janvier 1911, à l’Opéra royal de Dresde. C’est un succès, seuls quelques journalistes regrettant que Strauss ait abandonné le modernisme et l’expressionisme d’Elektra et de Salomé, qui avait été créé en 1905, au profit d’une musique qui mêle élans lyriques et farces. Le Chevalier à la Rose restera à l’affiche de l’Opéra de Dresde pour une cinquantaine de représentation. Il triomphera également à Vienne avec une quarantaine de représentations, puis à Berlin, Milan et Londres. Quant au duo Strauss-Hofmannsthal, il donnera d’autres chefs-d’œuvre dans la même lignée : Ariane à Naxos dès l’année suivante en 1912, ainsi que La Femme sans ombre en 1919 ou encore Arabella, créé en 1933 après la mort du librettiste.

 

Jean-Michel Dhuez

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