- 1. Théodore Rousseau (1812-1867)
Paysage d’automne, 1840-1845
Huile sur toile - 23 x 35,5 cm
Valence, Musée de Valence
Photo : Musée de Valence / Eric Caillet
« Grand refusé » du Salon1, Théodore Rousseau fut aussi la pierre angulaire du paysage, entrainant un renouvellement du genre. C’est ce que s’attache à rappeler le Musée de Meudon, 200 ans après la naissance de l’artiste2, en réunissant une quarantaine de peintures et de dessins issus de collections privées et publiques réparties selon un parcours simple : le temps des voyages (1830-1848), puis Barbizon (1848-1867), tandis qu’une troisième section présente ses compositions graphiques. Nombre de musées ont accepté de prêter leurs œuvres pour l’occasion : Orsay, le Musée Condé, le Petit Palais, Nantes, Reims, Barbizon, Valence (ill. 1)… Sauf un, le Louvre, dont l’absence est d’autant plus surprenante que Vincent Pomarède est président d’honneur de l’association des Amis du paysage français, partenaire important de l’événement. C’est aussi au Louvre que fut organisée la dernière rétrospective du peintre, pour le centenaire de sa mort en 1967. Rien depuis ; et il faudra traverser l’Atlantique pour voir cette année une autre exposition exclusivement consacrée à l’artiste. Le soutien de l’un des plus grands musées d’Europe n’aurait donc pas été de trop pour Meudon.
- 2. Théodore Rousseau (1812-1867)
L’Abreuvoir, 1850-1860
Huile sur bois - 41,7 x 63,7 cm
Reims, Musée des Beaux-arts
Photo : C. Devleeschauwer
Le parcours s’ouvre avec un Paysage aux deux chênesde Salomon van Ruysdael (vers 1631), « portrait » de feuillus, comme le fera Rousseau à son tour en véritable anatomiste des arbres. Au fil des salles, on retrouve cette influence de l’Age d’Or hollandais, dans la Mare près de la route, ferme dans le Berry par exemple ; les Anglais du XIXe siècle, Constable et Bonington avant tout, marquèrent eux aussi la peinture de Rousseau, en témoignent L’Abreuvoir de Reims (ill. 2) ou les Chênes et châtaigniers aux environs de Moigny en Gâtinais, étonnante esquisse aux nuées emportées et pâteuses, dont la rapidité d’exécution laisse entrevoir le dessin sous-jacent à l’encre de Chine (ill. 3). Il fut enfin influencé par Paul Huet et par son ami Jules Dupré dont les cieux cotonneux et gris-bleus, sur lesquels se détachent de sombres frondaisons, se retrouvent dans La Mare, ciel orageux(vers 1865).
- 3. Théodore Rousseau (1812-1867)
Chênes et châtaigniers aux environs de Moigny en Gâtinais,1845-1850
Huile et encre de chine sur panneau - 26,5 x 37,8 cm
Collection particulière
Photo : Studio Sébert
Un dessin rappelle que Rousseau se forma auprès du néoclassique Charles Rémond ; mais s’il regarda les paysages savamment composés du XVIIe siècle français comme le suggère un lavis intitulé Paysage d’après Le Lorrain, la manière reste libre et spontanée. Théodore Rousseau se tourna très vite vers d’autres horizons et Baudelaire, amateur de son art, aimait y sentir les souffles les plus variés, les plus flatteurs aussi : « Qu’on se rappelle quelques paysages de Rubens et de Rembrandt, qu’on y mêle quelques souvenirs de peinture anglaise, et qu’on suppose, dominant et réglant tout cela, un amour profond et sérieux de la nature, on pourra peut-être se faire une idée de la magie de ses tableaux. Il y mêle beaucoup de son âme, comme Delacroix. »3. Et Gautier d’enchérir, écrivant avec le même enthousiasme que « Par une de ces analogies secrètes qu’on sent plutôt qu’on ne les raisonne, on peut dire que Théodore Rousseau était le Delacroix du paysage »4.
- 4. Théodore Rousseau (1812-1867)
Petite vallée de la mare des Rouars, gorges d’Apremont,1855
Huile sur panneau - 42 x 64 cm,
Collection particulière
Photo : M. Rousseau
Rousseau puisa surtout son inspiration sur le vif, parcourant la France en tous sens, se laissant séduire par les aspérités de l’Auvergne et du Jura, les vents de Normandie et de Vendée, il se rendit aussi dans les Pyrénées et dans le Berry de George Sand, elle qui fut un temps son amie au point de vouloir lui donner sa fille adoptive en mariage. Il finit sa course à Barbizon où la forêt de Fontainebleau lui offrit une variété de vues, boisée, rocheuse ou plane et verdoyante.
Sans s’encombrer de prétextes mythologiques ou historiques, il fit de la nature et des nuances de la lumière son sujet principal ; mieux que les sirènes, il « entendai[t] la voix des arbres »5 qui vont jusqu’à remplacer les hommes dans le Massacre des Innocents, tableau peint pour dénoncer le saccage de la forêt.
Ce sont finalement ses peintures les plus inachevées qui sont les plus séduisantes, celles qui justement entraînèrent son rejet du Salon parce elles étaient encore considérées à l’état d’ébauche par le jury. Dans la Petite vallée de la mare des Rouars, gorges d’Apremont (ill. 4), il associe le pastel à l’huile (une autre version se trouve à la Glasgow Art Gallery). Le motif des gorges se retrouve dans une esquisse préparatoire au tableau de la Ny Carlsberg Glyuptotek, exposée à côté d’une version plus petite sur panneau (ill. 5). On devine les recherches et les tâtonnements du peintre, qui reprit inlassablement ses toiles, éternel insatisfait, et peignit plusieurs fois un même lieu, le soir puis le matin ; des variations qui attirèrent l’œil de Monet. Il se laissa aussi aller au japonisme et ses Arbres et rochers dans la plaine (vers 1865), dessinés à petits traits de plume rehaussés d’aquarelle, annoncent déjà Van Gogh.
- 5. Théodore Rousseau (1812-1867)
Les gorges d’Apremont, 1852
huile sur panneau - 29,2 x 53,6 cm
Collection particulière
Photo : M. Rousseau
L’évolution de son style, plus détaillé, plus minutieux, déplut à Zola qui préférait Rousseau en banni du Salon plutôt qu’en membre du jury : « Et je me suis demandé comment M. Théodore Rousseau pouvait en être arrivé au travail de patience dans lequel il se complaît aujourd’hui. (...) Le tempérament disparaît devant cette lente minutie ; (...) lorsque je demande à M. Théodore Rousseau de saisir en sa main, comme il l’a fait jadis, un morceau de la campagne, il s’amuse à émietter la campagne et à me la présenter en poussière.Tout son passé lui crie : Faites large, faites puissant, faites vivant. »6. Théophile Gautier défend l’artiste en soulignant au contraire la variété de son travail : là il empâte, ici il frotte, se laisse aller à la fougue de l’esquisse ou à la minutie de l’huile selon l’exigence du sujet, et jamais n’obéit à une manière particulière qui serait reconnaissable comme une écriture.
Rousseau évolua du romantisme vers un naturalisme poétique, obsédé par l’arbre et la lumière. « Naturaliste entraîné sans cesse vers l’idéal » comme le définit Baudelaire, il aspire la réalité : « On ne copie pas ce que l’on voit avec la précision mathématique, mais on sent et l’on traduit un monde réel dont toutes les fatalités vous enlacent. »
- 6. Charles François Daubigny (1817-1878)
Le Plateau de Valmondois, 1873
Huile sur toile - 40 x 56 cm
Meudon, Musée d’Art et d’histoire
Donation Christian Grellety Bosviel
Photo : Ph. Sébert.
- 7. Albert Marquet (1875-1947)
L’Eglise des Sables-d’Olonne vue des quais
du port de la Chaume, vers 1921
Huile sur toile - 32 x 40 cm
Meudon, Musée d’Art et d’histoire
Donation Christian Grellety Bosviel
Photo : Ph. Sébert
Cette exposition est aussi l’occasion, dans un joli prolongement, de (re)découvrir le nouveau département que le musée,consacre au paysage français. Ouvert depuis le 19 mai 2012, il retrace les grandes étapes du paysage de la fin du XVIIIe siècle jusqu’au XXe siècle. Sa création a été possible grâce au don d’une collection en 2006-2007, celle de Christian Grellety Bosviel, passionné par le genre et fondateur d’une association pour sa mise en valeur.
- 8. Jules Dupré (1811 – 1889)
Bord de rivière
Huile sur toile - 38 x 54,5 cm
Meudon, Musée d’Art et d’histoire
Photo : Musée d’Art et d’histoire de Meudon
- 9. Charles Victor Guilloux (1866-1946)
Le Sentier, 1895
Huile sur toile - 61 x 46 cm
Meudon, Musée d’Art et d’histoire
Photo : Musée d’Art et d’histoire de Meudon
Ce jeune collectionneur acquit aussi bien des toiles de Lazare Bruandet, Narcisse Díaz de la Peña, François Daubigny (ill. 6) ou Albert Marquet (ill. 7), les bords de Seine vus par Stanislas Lépine et les bords de la Creuse traduits par Armand Guillaumin. Sa donation d’une trentaine d’œuvres7 a été complétée par des acquisitions en 2009 - l’ondoiement scintillant d’une rivière par Jules Dupré (ill. 8) et les courbes mystérieuses d’un sentier par Guilloux (ill. 9) - ainsi que par les dépôts de musées. L’ensemble fait écho aux vues de Meudon exposées dans les autres salles ; Meudon qui, faut-il le rappeler, ne se trouve qu’à quelques stations de RER de Paris.
Commissaire : Francis Villadier
Collectif, Théodore Rousseau (1812-1867), le renouveau de la peinture de paysage, 2013, 38 p.
Francis Villadier et Marie-José Villadier, Musée d’Art et d’Histoire, Ville de Meudon. Histoire des collections, 2012, 110 p. ISBN : 2-9510201-7-1.
Informations pratiques : Musée d’Art et d’Histoire, 11 rue des Pierres, 92190 Meudon. Tél : +33 (0)1 46 23 87 13. Tarif : 2,50 euros.
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