Face à la pandémie de coronavirus, Le Temps du Débat avait prévu une série d’émissions spéciales « Coronavirus : une conversation mondiale » pour réfléchir aux enjeux de cette épidémie, en convoquant les savoirs et les créations des intellectuels, artistes et écrivains du monde entier.
Cette série a dû prendre fin malheureusement après le premier épisode : « Qu'est-ce-que nous fait l'enfermement ? ». Nous avons donc décidé de continuer cette conversation mondiale en ligne en vous proposant chaque jour sur le site de France Culture le regard inédit d’un intellectuel étranger sur la crise que nous traversons.
À LIRE AUSSIAujourd'hui, Sergei Guriev, économiste russe, enseignant à Science Po et chef économiste de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement analyse la gestion de l'épidémie de Covid-19 en Russie.
La décision de confinement stricte résulte d’un simple calcul coût-bénéfice. Luigi Zingales, par exemple, compare le risque encouru dans certains métiers aux Etats-Unis et la façon dont ce risque fait augmenter le salaire perçu pour estimer le coût d’une vie. Partant de ce calcul et d’une approximation du nombre de morts si la population américaine n’est pas confinée, il estime le coût du « laisser-faire » à 65 mille milliards de dollars, soit trois fois le PIB annuel américain !
Dans un article pour le journal Vedomosti, je reproduis ce calcul pour la Russie, où le coût d’une vie est bien plus faible qu’aux Etats-Unis. Si la Russie ne fait rien pour endiguer l’épidémie, la facture chiffre à hauteur de 12 mille milliards de roubles, soit 11% du PIB annuel russe.
Vladimir Poutine ne semble pas convaincu que le COVID-19 représente une menace réelle. Ses subordonnés hésitent à sonner l'alarme et à porter une vérité qui dérange, exception faite du maire de Moscou qui paraît comprendre la gravité de la situation et qui agit de manière relativement décisive.
L'économie russe pourrait pourtant très bien soutenir l’effort de guerre contre l’épidémie : la dette nationale est très faible et le pays dispose d'un fond souverain à hauteur de 9% du PIB. Si problème économique il y a, celui-ci réside plutôt dans le manque d’investissements publics dans les soins de santé ces dernières années.
Dans une lettre ouverte cosignée par 14 économistes issus des meilleures universités russes, européennes et américaines, nous recommandons six mesures : une quarantaine stricte, un soutien économique massif aux ménages, aux entreprises et aux banques qui souffriront de cette quarantaine, un soutien plus important encore à destination des travailleurs médicaux, l'abaissement des barrières à l'importation de nourriture et de médicaments, une généralisation des tests de dépistage et l’adoption d’une communication politique plus transparente et plus honnête. Le soutien économique se doit surtout d’être plus important que ce que le gouvernement a discuté jusqu'à présent, et la quarantaine, stricte.
Pour l’Europe, les circonstances sont inédites et il faut que l'UE agisse vite et voie les choses en grand.
Pour chacun des pays touchés, cela engage des dépenses à hauteur 10 à 15% du PIB annuel. Les taux d’intérêts faibles doivent inciter les économies nationales à emprunter ces montants, même si cela signifie que les générations futures dans 10 ou 30 ans devront perdre 10 à 15% de leur revenu annuel pour payer les pots cassés. Mais à circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles… Nous proposons d’ailleurs d’autres actions possibles au sein du Center for Economic Policy Research.
Emmanuel Laurentin avec l’équipe du « Temps du débat ».
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